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Recherche : des pistes prometteuses

La thématique du maintien de la fraîcheur est l’un des champs d’étude de la plateforme d’innovation Nouvelles vagues (PFI) basée à Boulogne-sur-Mer.

(Crédit photo : DR)

PdM : Le refroidissement rapide du poisson est-il une piste intéressante en matière de fraîcheur ?

Bruno Le Fur : Effectivement. L’immersion rapide du poisson en eau de mer glacée ou en glace liquide, suivie d’un glaçage adapté, peut avoir un effet positif sur la prolongation de la durée de la rigor mortis, et même sur la prolongation de la durée de vie globale. Ces technologies de refroidissement me semblent insuffisamment exploitées par la profession. Il faut bien les maîtriser pour éviter un début de congélation de la chair, mais nous avons montré qu’elles pouvaient s’avérer très efficaces. Dans le cadre d’un projet soutenu par FranceAgriMer et en partenariat avec le pôle Aquimer, le syndicat des mareyeurs de Boulogne-sur-Mer, l’Union du mareyage français, Irstea (1) et MF conseils, nous cherchons aussi à optimiser et à modéliser le refroidissement des poissons de grande taille ou stockés dans de grands contenants. Cela pose parfois problème pour respecter la température réglementaire de conservation du poisson frais.

Les processus d’altération des poissons sont-ils mieux compris ?

Connaître la nature et le mode d’action des flores d’altération et des enzymes qui entrent en jeu est essentiel. Dans cet objectif, Nouvelles vagues est impliqué depuis quelques mois dans un programme collaboratif européen, soutenu par l’Agence nationale de la recherche et coordonné par le laboratoire EM3B de l’Ifremer de Nantes. Ce travail associe également la CITPPM (2) ainsi que des scientifiques et des producteurs islandais et norvégiens. Le but est de caractériser l’écosystème microbien et le profil métabolique des flores d’altération des saumons et cabillauds importés en France, au travers de l’emploi d’outils modernes de pyroséquençage et de méthodes chromatographiques. On explore aussi la possibilité de mieux maîtriser le développement de ces flores microbiennes par l’emploi de technologies complémentaires de réfrigération mises en œuvre très en amont : biopréservation, atmosphère modifiée (MAP), ultra-réfrigération (superchilling), emploi du chitosan, etc.

Quels sont les outils les plus pertinents pour bien caractériser la fraîcheur ?

L’azote basique volatil total (ABVT) apparaît tardivement, vers le 6e jour de conservation sous glace après la pêche. C’est donc davantage un critère d’évaluation de l’altération que de la fraîcheur. En outre, ce dosage s’applique surtout aux poissons blancs. La filière a aujourd’hui besoin de critères objectifs de caractérisation de la fraîcheur du poisson, dans ses premiers jours de conservation après la pêche, ou bien lorsque le dosage de l’ABVT ne s’applique pas. Le dosage des dérivés nucléotidiques, grâce au kit commercialisé par la société NovoCIB, peut y contribuer.
Dans le cadre d’un projet soutenu par FranceAgriMer et d’une thèse Cifre financée par Nouvelles vagues, plusieurs de nos partenaires scientifiques travaillent en ce moment sur de nouvelles méthodes d’évaluation de la fraîcheur des filets de poisson. L’ULCO (3) étudie les phénomènes de nécrose cellulaire et d’apoptose qui interviennent dès la mort du poisson. L’université d’Artois cherche à caractériser des marqueurs fluorophores spécifiques de la dégradation précoce des filets par l’emploi de la spectroscopie de fluorescence. L’Anses (4) travaille à la mise en place et à l’optimisation des méthodes d’extraction et de séparation des dérivés nucléotidiques par HPLC (High Performance Liquid Chromatography).

Qu’en est-il des emballages ?

Dans le cadre d’essais réalisés pour la profession, Nouvelles vagues a récemment pu comparer l’efficacité de différents types de conditionnement du poisson. Indépendamment de son impact environnemental, la caisse polystyrène reste encore aujourd’hui certainement le meilleur mode de conditionnement en termes de capacité isotherme et de solidité.

Le superchilling est-il une solution d’avenir ?

Ce procédé vise à abaisser la température d’un poisson à une température contrôlée légèrement inférieure à celle de son point de congélation, en limitant la formation de cristaux de glace et dans l’objectif d’améliorer le rendement au filetage ou de prolonger sa durée de conservation. Le superchilling fait toujours l’objet d’intérêt notamment dans les pays nordiques, mais il n’existe pas de cadre réglementaire pour des produits qui seraient conservés à température légèrement négative et partiellement cristallisés. La mise en œuvre pose également un certain nombre de difficultés d’un point de vue technique et commercial.

 

Retrouvez notre dossier : Équipement du froid : cruciale fraîcheur

de Fanny ROUSSELIN-ROUSVOAL