ZOOM sur Hong Kong
Le pays a importé 375 000 tonnes de produits de la mer en 2017.
65,5 kg Consommation de poisson par habitant, trois fois plus que la moyenne mondiale.
1 145 t Volume annuel d’huîtres exporté par la France vers Hong Kong.
Un grand importateur Hong Kong est un pays grand consommateur de produits de la mer mais sa production ne suffit pas à satisfaire la demande. Les volumes pêchés et produits par l’aquaculture marine dans la région équivalent seulement à 18 % de la consommation locale de produits de la mer. En 2018, environ 124 000 tonnes ont été débarquées, pour une valeur de 230 millions d’euros. La région administrative importe énormément pour combler la demande.
L’huître, reine de l’export La France a exporté 1 665 tonnes de produits de la mer à Hong Kong, pour une valeur de 18 millions d’euros, dont 1 145 tonnes d’huîtres. Les moules et autres mollusques arrivent loin derrière avec 183 tonnes exportées. C’est le 17e pays de destination pour la France en termes de valeur, et le deuxième pour l’export d’huîtres, derrière la Chine.
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PDM : Pourquoi vous êtes-vous lancé dans l’import de produits frais à Hong Kong ? Sébastien Hesry : Après 18 ans à travailler dans la mode en Asie, j’ai eu envie de renouer avec mes racines. Mes grands-parents étaient mytiliculteurs, d’abord en Charente, puis dans la baie du mont Saint-Michel. Aujourd’hui mon grand frère, Stéphane, a repris l’exploitation familiale et dirige l’entreprise mytilicole Cap à l’Ouest, au Vivier-sur-Mer, en Ille-et-Vilaine. Je n’avais pas envie de quitter ma ville d’adoption, Hong Kong, et j’ai donc créé Mesklenn, « moules » en breton, en septembre 2017. L’idée était de sélectionner des produits d’artisans à la fois pour la viande et les coquillages, chez des producteurs centrés sur la qualité, pour les faire découvrir aux Hongkongais. Je connais chacun de mes fournisseurs de très longue date, ils m’ont aidé à démarrer et je leur suis fidèle.
Comment avez-vous réussi à percer le marché ? S.H. : La clientèle hongkongaise est très exigeante. Les habitants mangent facilement hors de leur domicile. Il y a plus de 7 000 restaurants, des cuisines très variées et la gastronomie française est bien représentée. Pour satisfaire la demande, le marché est structuré mais la concurrence est rude. Il faut savoir se différencier, importer de la marchandise d’une qualité irréprochable et avoir une histoire à raconter. Les chefs français composent la majorité de mes clients professionnels. Ils sont sensibles aux produits que je propose, notamment la moule Morisseau, sur laquelle j’ai l’exclusivité et qui possède des propriétés gustatives exceptionnelles. Je travaille également avec des chefs locaux, dans des oyster bars ou seafood bars. Durant ces 20 années passées à Hong Kong, j’ai eu le temps de nouer des relations, mais il n’y a pas de favoritisme ici : il faut assurer le goût, le service et le prix. Je ne souhaite pas être dans la niche du luxe mais plutôt garder un prix raisonnable pour faire partager les produits de mon terroir. L’autre moitié de ma clientèle se compose de particuliers. Au début, j’ai ouvert le catalogue à mon entourage proche, puis, avec le bouche-à-oreille, cela s’est développé et j’ai désormais plusieurs centaines de clients.
Comment se passe la logistique ? S.H. : Je travaille en flux extrêmement tendu, avec une expédition par semaine. Il faut compter 36 heures entre le moment où la marchandise part de chez mon fournisseur et celui où je la récupère. Je vais chercher les colis à l’aéroport le vendredi matin et je les livre directement chez les clients. La marchandise voyage bien, la fraîcheur est optimale et sans mauvaises surprises. Les volumes varient légèrement : début septembre, c’est assez tranquille, je reçois 300 kg, mais on va vite retrouver une vitesse de croisière à 500 kg par semaine, moitié produits carnés, moitié coquillages. Les commandes des professionnels sont régulières et m’assurent un volume hebdomadaire. Les demandes des particuliers sont variables. Cela dépend des périodes de vacances, avec des pics bien sûr à Noël, au Nouvel An, mais aussi au Nouvel An chinois, pour le solstice d’hiver, et la fête de la lune qui arrive en octobre. L’été a été plutôt calme en raison des manifestations dans le pays.
Les mouvements sociaux impactent-ils directement votre activité ? S. H. : Oui, on ressent une baisse de fréquentation dans les hôtels et les restaurants depuis le début des manifestations. Aujourd’hui, l’impact reste tout de même limité mais une forte dégradation du climat social pourrait avoir de grosses conséquences sur mon activité et celle de tous les acteurs liés au tourisme. C’est un peu comme les gilets jaunes en France. Cela a eu des conséquences sur le tourisme et donc les fournisseurs de produits alimentaires. D’où l’importance d’exporter pour les producteurs. Ceux qui ne dépendaient pas à 100 % du marché français, en difficulté à ce moment-là, s’en sont mieux sortis. L’export ne permet pas forcément d’augmenter ses marges, je ne crois pas qu’il y ait deux prix de vente différents selon la destination, mais cela offre plus de sécurité au producteur. Il ne met pas tous ses œufs dans le même panier.
De la même manière, est-ce que vous cherchez à agrandir votre marché pour ne plus dépendre à 100 % de Hong Kong ? S.H. : Nous avons un immense marché juste à côté : la Chine continentale. Tout importateur se doit de le considérer, même si les difficultés pour y accéder sont toutes autres. À Hong Kong, le marché est balisé, l’administratif est simple. Si l’on rentre dans les cases et que l’on fournit les justificatifs demandés, on peut rapidement lancer son activité. En Chine, les formalités administratives sont bien plus compliquées. Cela prend du temps et il y a aussi la barrière de la langue. L’anglais est une des langues officielles à Hong Kong, en Chine ce n’est pas le cas. Je parle chinois, mais pas assez pour valider l’ensemble des démarches. Surtout qu’il ne faut pas se tromper. Le vin français exporté en Chine continentale transite souvent par Hong Kong pour simplifier les démarches administratives, mais pour les produits de la mer, c’est une perte de temps. La durée de vie étant plus courte, il faut les expédier directement en Chine.
Et pour l’approvisionnement, vous songez aussi à une diversification ? S.H. : On me demande de me diversifier en coquillages, de compléter ma gamme. C’est une vraie attente des professionnels. Après, je n’ai pas la volonté d’avoir un catalogue de 50 pages. Je respecte mes producteurs, ça ne sert à rien d’avoir beaucoup de fournisseurs pour leur prendre de toutes petites quantités. Je préfère construire une relation concrète avec eux et que nous grandissions ensemble. Mais je ne suis pas fermé. C’est important d’apporter de la nouveauté dans l’entreprise, tant que cela correspond à l’image et aux valeurs de Mesklenn. Pour l’instant, j’ai trois fournisseurs d’huîtres, mon frère Stéphane Hesry pour les moules et je propose aussi des palourdes et ormeaux. Après 16 mois d’activité, je peux dire que le démarrage est satisfaisant. L’année est encourageante, il faut maintenant faire prospérer l’entreprise. Dans les développements à venir, disons simplement que j’ai rencontré quelques professionnels spécialisés dans les crustacés lors de mon passage en Bretagne cet été…
Propos recueillis par Guillaume JORIS
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