5 QUESTIONS À JACQUES LE CARDINAL, RESPONSABLE POISSONNERIE AUCHAN
" La hausse des prix ne compense pas les pertes de volumes. Il existe des limites à l’inflation "
Entre la hausse des prix du poisson et la crise continue du pouvoir d’achat, comment s’en sort la grande distribution ? Le responsable de la poissonnerie d’Auchan France, sensible à l’avenir des ressources halieutiques comme à la diversité des pêches françaises, souhaite que les échanges entre l’amont et l’aval de la filière s’intensifient.
1 . 2011 sonne la fin de la taxe poisson. Une bonne nouvelle ?
2 . Pourquoi conserver les étals ? Les ONG pourraient même y voir un geste pour la préservation des ressources !
3 . Comment limiter les pertes ?
4 . La réduction du nombre de références n’est pas à l’ordre du jour ?
5 . Qu’espérez-vous de l’interprofession ?
INTERVIEW
Question 1 . 2011 sonne la fin de la taxe poisson. Une bonne nouvelle ?
Pour un groupe comme Auchan, la taxe poisson s’élevait à environ 7 M€. Pour l’instant, nous n’en voyons pas les effets bénéfiques : nous la versons en totalité cette année et, dans le même temps, consentons des avances dans le cadre du financement de France filière pêche.
L’évènement marquant, c’est plutôt la forte hausse des matières premières avec des consommateurs qui ne suivent plus. La hausse des prix ne compense pas les pertes de volumes. Il existe des limites à l’inflation. Les marges, dans le frais, sont dans le rouge. Les étals perdent de l’argent.
Question 2 . Alors pourquoi conserver les étals ? Les ONG pourraient même y voir un geste pour la préservation des ressources !
Auchan a toujours été sensible aux questions de préservation de la ressource. Nous avons cessé de commercialiser des espèces comme le thon rouge, l’anguille, le bar de chalut en période de reproduction... Mais nous n’avons pas le courage ou l’inconscience de tout arrêter !
Le concept de l’hypermarché reste de permettre aux consommateurs de tout trouver sous le même toit : y compris du poisson frais. Le rayon est vecteur d’image et de service. Nous pouvons y expliquer les différences de qualité et de prix aux consommateurs, valoriser les efforts de certaines pêcheries en matière de sélectivité.
Ces actions doivent être encouragées car elles sont efficaces : cabillauds, merlus reviennent… Enfin, toutes les espèces ne sont pas menacées. Et même si nous sommes souvent critiqués, nous offrons des débouchés aux pêcheurs. Reste à limiter les pertes.
Question 3 . Comment ?
Aujourd’hui, les Français sont avides de produits plus faciles à cuisiner, avec des propositions d’accompagnement… Ils attendent des produits plus valorisés. Nous les poussons d’ailleurs dans nos rayons en utilisant notamment les queues de filets ou d’autres coproduits dans les recettes de plats préparés à marque distributeur. C’est une organisation complexe à mettre en place, mais elle est nécessaire. Nous travaillons avec des partenaires qui sont de plus en plus en amont de la filière et devons satisfaire un client qui s’éloigne de plus en plus de la matière brute.
Question 4 . La réduction du nombre de références n’est pas à l’ordre du jour ?
Nous proposons entre 50 et 120 références sur les étals, et il reste possible de faire cohabiter plusieurs types de production sur une même espèce : langoustines de chalut et de casier, etc. Nous atteignons sans doute les limites sur le bar, pour lequel nous proposons du bar de ligne, de chalut, d’élevage standard, bio et Label rouge. Entre le bio et le Label rouge, c’est source de casse. Il faudra choisir. En revanche, sur d’autres espèces, notamment issues de la pêche française, nous pouvons nous engager à faire de la place aux captures issues de pêche responsable et de qualité.
Question 5. Qu’espérez-vous de l’interprofession ?
Si, au travers de cette interprofession, l’amont et l’aval échangent de plus en plus, alors nous y gagnerons tous. La promotion des espèces menée par l’interprofession doit être puissante et cohérente. Les promotions les plus efficaces ne sont pas forcément les communications génériques mais les actions concrètes qui, au niveau local, dans les magasins, mettent en avant les produits – affichettes, tracts, messages radio. C’est quand un consommateur voit un produit qu’il a envie de l’acheter. Il est à l’affût des promotions. Soyons inventifs pour éviter que les produits ne restent sur le carreau. Mais il faudra travailler sur la transparence. Trop souvent, les arrivages annoncés sont du « divers ». Cela joue sur les cours, mais pas forcément à la hausse ! Sans oublier que c’est bloquant pour monter des opérations de « fin de semaine ».
Il faut une approche partenariale. Pour réussir, il faut une discipline générale, que tout le monde s’engage et joue le jeu. C’est plus facile sur les espèces d’élevage, mais on doit y arriver. Je crois qu’avoir de la visibilité est essentiel. Jouer au loto tous les jours, ce n’est pas pour moi.
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