5 QUESTIONS À FABIEN DULON, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA SCAPÊCHE
" La pêche durable et responsable doit s’appuyer sur une grande diversité de techniques de pêche "
Revenu en mai 2013 à la tête de la Scapêche, premier armement français de pêche fraîche, Fabien Dulon affronte les tirs nourris des opposants à la pêche d’espèces de grands fonds. Malgré la première reconnaissance « pêche responsable » délivrée en 2006 par Bureau Veritas, la contestation des ONG ne cesse de s’amplifier contre une activité importante pour la filière comme pour la filiale d’Intermarché.
1. En 2013, les attaques contre la pêche des poissons de grands fonds sont reprises par les médias grand public, la restauration… Cela vous fait-il peur ?
2. Pour la Scapêche et en Europe, que représente la pêche de grands fonds ?
3. Quelle est la démarche de Blue Fish ?
4. Puisque vous évoquez le MSC, pourquoi ne pas vous engager dans une démarche de certification pour les espèces de grands fonds ?
5. Quels seront vos autres défis pour 2014 ?
INTERVIEW
Question 1. En 2013, les attaques contre la pêche des poissons de grands fonds sont reprises par les médias grand public, la restauration… Cela vous fait-il peur ?
Comment ne pas craindre les conséquences de la cabale actuelle ?! Nous n’avons pas envie que la consommation des espèces de grands fonds soit condamnée par l’opinion publique comme celle du thon rouge. Les attaques sont injustes.
Le groupement Intermarché a investi dans la pêche, et la Scapêche a pu moderniser des flottilles pour les rendre rentables et permettre aux marins de travailler dans de bonnes conditions. Par ailleurs, nous avons à cœur de préserver les richesses de la mer. La Scapêche respecte scrupuleusement les règles de l’Union européenne, collabore avec les scientifiques.
Savez-vous que nous accueillons des observateurs à bord de nos bateaux de pêche ? Chaque trait de chalut est dûment enregistré, nos sorties sont suivies par les satellites, et nos équipes travaillent dans une zone extrêmement réduite.
Le Ciem (ndlr : Conseil international pour l’exploration de la mer), organisme référent à l’échelle de l’Europe pour une gestion durable des ressources halieutiques, recommande des hausses de quotas sur les espèces de grands fonds.
Question 2. Pour la Scapêche et en Europe, que représente la pêche de grands fonds ?
Au niveau européen, des centaines de navires sont concernés par cette pêcherie. Pour la Scapêche, sur les 18 navires, 10 la pratiquent. Au total, cela représente 40 % de notre production. Si cette pêche devait être interdite au niveau européen, cela porterait préjudice à d’autres acteurs comme Euronor à Boulogne ou aux armements bretons qui capturent des espèces de grands fonds en complément d’églefin, de cabillaud ou de lieu noir. Pour nous faire entendre, nous avons rejoint l’association Blue Fish, qui vise à promouvoir la pêche durable et responsable, dont fait partie la pêche des espèces de grands fonds. Créée cette année, l’ONG a été rapidement rejointe par des acteurs européens.
Question 3. Quelle est la démarche de Blue Fish ?
Nous avons tous compris que la menace sur le chalutage de grands fonds pourrait vite en faire peser une autre sur le chalut tout court : les profondeurs évoquées ne sont jamais réellement définies ! Or nous pensons, à la Scapêche comme au sein de Blue Fish, que la pêche durable et responsable doit s’appuyer sur une grande diversité de techniques de pêche. Au sein de notre armement se côtoient des caseyeurs, des bolincheurs, des chalutiers et même un palangrier. Les ONG le considèrent comme l’engin idéal. Tout dépend des zones et des espèces ciblées. Le palangrier est par exemple parfaitement adapté à la pêche à la légine, dont la pêcherie regroupée au sein du Syndicat des armements réunionnais de palangriers congélateurs a obtenu une certification MSC cette année. Mais la technique de la palangre n’est pas forcément duplicable dans l’Atlantique nord-est pour les espèces de grands fonds.
Question 4. Puisque vous évoquez le MSC, pourquoi ne pas vous engager dans une démarche de certification pour les espèces de grands fonds ?
Nous lui avions préféré une reconnaissance Bureau Veritas pour mettre en avant le volet social du développement durable de cette pêcherie. Aujourd’hui, nous réfléchissons à la certification MSC pour nous aider à rassurer le consommateur sur la façon dont la Scapêche exerce son métier. Nous ne pouvons pas perdre la bataille de l’opinion publique. Nous sommes donc prêts à jouer la transparence totale. Nous espérons aussi que France filière pêche et Pavillon France, qui agissent pour promouvoir la diversité des pêches françaises, participeront à l’effort pédagogique nécessaire pour restaurer la vérité.
Question 5. Quels seront vos autres défis pour 2014 ?
D’abord, nous aimerions trouver des débouchés pour le merlu… Pour 2014, le quota sur cette espèce va fortement augmenter, avec un risque de déstabilisation du marché. Les variations trop importantes de quotas d’une année sur l’autre sont difficiles à gérer. Ensuite, nous améliorerons encore la sélectivité de nos engins de pêche. Nous poursuivons le processus de remplacement de nos navires les plus anciens. Et, enfin, nous continuerons à diversifier nos activités.
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