4 QUESTIONS À YANN GOUHIER, CHEF D'EXPLOITATION CRIÉE DE GRANVILLE
" Il faut chercher des pistes de relance : faute de marché, certains gisements ne sont pas exploités "
Le chef d’exploitation de la criée de Granville revient sur une année 2013 difficile. Les prix n’ont pas toujours compensé les baisses de volumes, malgré les efforts consentis pour valoriser chaque tonne de produit débarqué. De quoi décourager les acteurs de la filière, même si Yann Gouhier veut croire que les actions finiront par payer. Mais quand ?
1. Au premier semestre 2013, les volumes passés sous criées ont baissé de plus de 4 %. Une chute que les cours n’enrayent pas en valeur. Qu’en est-il à Granville ?
2. En tant que responsable d’exploitation de la criée, quelles actions pouvez-vous mener pour mettre l’offre et la demande en adéquation ?
3. Malgré les démarches qualité engagées par Normandie fraîcheur mer ?
4. Mais vos démarches ne seront-elles pas chapeautées par la marque Pavillon France ?
INTERVIEW
Question 1. Au premier semestre 2013, les volumes passés sous criées ont baissé de plus de 4 %. Une chute que les cours n’enrayent pas en valeur. Qu’en est-il à Granville ?
L’année n’est pas finie, mais le début fut délicat. La neige au printemps n’a pas aidé. Cela dit, les difficultés sont aussi venues des marchés. Pour la seiche, une espèce « réservoir », les cours ont chuté jusqu’à moins de 1 € avec l’effondrement des marchés espagnol et italien, débouchés historiques. La situation était telle qu’à la fin mai, nous avons signalé à la CCI, gestionnaire de la criée, l’importance du manque à gagner et décidé de décaler certains investissements.
Heureusement, à partir de l’été, la flottille granvillaise a pu mener une jolie campagne sur l’olivette. Pour l’heure, 1 900 tonnes ont été commercialisées contre 900 l’an passé. Reste à savoir si les campagnes de pêche des saint-jacques et des praires compenseront un peu le début d’année. Début octobre, le marché ne répondait pas présent face à l’offre. Trop souvent, la demande est décalée par rapport à l’offre ! C’est un problème majeur.
Question 2. En tant que responsable d’exploitation de la criée, quelles actions pouvez-vous mener pour mettre l’offre et la demande en adéquation ?
Déjà, puisque Granville est un port à marée, obligeant les bateaux à profiter des marées hautes pour débarquer, nous avons organisé deux ventes par jour. Une façon d’encourager les pêcheurs à faire des sorties courtes, garantes de meilleures fraîcheur et qualité des débarques.
Ensuite, mon rôle consiste à chercher des pistes de relance, à trouver de nouveaux volumes. Il existe des gisements non exploités faute de marchés. À nous de les dénicher pour la vénus, la palourde, le lançon… pour convaincre les pêcheurs de tenter l’expérience. Même si les cours sont parfois bas au démarrage.
Les marchés s’installent dans le temps. Surtout, il faut des volumes réguliers. Nous avons pu le constater avec le bulot. Pendant les années de restrictions de captures que les professionnels se sont imposées pour restaurer la ressource, les transformateurs se sont approvisionnés ailleurs. Il n’est pas facile de revenir.
Question 3. Malgré les démarches qualité engagées par Normandie fraîcheur mer ?
Malheureusement, les efforts consentis pour valoriser les produits sont loin d’avoir des retombées financières immédiates. Dans ces conditions, il n’est pas aisé de continuer à mobiliser les pêcheurs et mareyeurs sur des actions contraignantes. Pourtant, j’en suis convaincu, l’obtention de l’IGP pour le bulot de la baie de Granville, comme celle du Label rouge pour la noix de Saint-Jacques surgelée ou encore la certification MSC pour le homard du Cotentin finiront par payer. Idem pour les efforts consentis par toutes les criées bas-normandes pour harmoniser leur définition de la qualité lors du tri. Pour le congre et le mulet, les actions de NFM fonctionnent d’autant mieux que les apports sont aujourd’hui réguliers. Seul bémol : les budgets de promotion et les moyens d’actions sont de plus en plus réduits
Question 4. Mais vos démarches ne seront-elles pas chapeautées par la marque Pavillon France ?
Probablement, mais je regrette que les criées aient été délibérément écartées au début du projet. À Granville, comme dans d’autres criées, nos équipes se chargent depuis longtemps du tri, des opérations de pin’sage. Mais bon, il existe aujourd’hui des sources d’inquiétudes plus grandes. D’abord avec le règlement contrôle, nous allons devoir modifier nos systèmes d’information pour assurer la traçabilité documentaire exigée. L’investissement est lourd, alors même que nous devons, d’ici fin 2014, supprimer les systèmes de froid utilisant le fluide R22. Une obligation réglementaire dont le coût avoisine les 70 000 €. Or, avec la fin des prix de retrait et l’arrivée du zéro rejet, je crains que le hors criée ne se développe. Tous ces volumes seront-ils déclarés, quelle sera la part du hors taille ? La faiblesse des moyens de contrôle face à l’augmentation des contraintes multiplie les risques de fraudes. En attendant, les moyens des criées diminueront.
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