ARNAUD VANHAMME, MEILLEUR OUVRIER DE FRANCE
“ Notre métier évolue, tant sur la préparation que sur les achats, réalisés en partie en direct ”
Arrière petit-fils d’une poissonnière ambulante venue de Belgique vendre ses poissons à Drancy et sous les halles de Paris, Arnaud Vanhamme, élu meilleur ouvrier de France dans la catégorie poissonnier-écailler en 2011, vient d’inaugurer sa première boutique. Il espère, grâce à cette activité située à Paris dans le 16e arrondissement, pouvoir laisser tomber les marchés.
Les ouvertures de poissonneries se font plutôt rares, notamment à Paris où les marchés fonctionnent souvent mieux. Pourquoi un tel choix ?
Pour être sincère, les marchés marchaient bien. Depuis 2011, c’est de moins en moins vrai. C’est une activité qui exige beaucoup d’heures et la récompense n’est pas garantie. La concurrence avec les grandes surfaces s’intensifie et si les collectivités ne soutiennent pas les marchés en facilitant les installations, ces derniers s’effondrent. C’est le cas de celui du Bourget, tandis que celui de Drancy résiste bien. Reste que l’on ne travaille pas de la même façon en magasin ou sur les marchés. Depuis trois ans, et l’obtention de mon titre de meilleur ouvrier de France, j’avais envie de travailler en boutique, de développer mon concept. Il m’a fallu du temps pour trouver l’opportunité, convaincre la famille et les banques. Le montage du dossier a nécessité une bonne analyse de notre zone de chalandises.
En ouvrant une nouvelle boutique, avez-vous pu réaliser le concept dont vous rêviez ?
J’ai travaillé avec un agenceur qui a répondu à mes attentes sur la question de l’atmosphère de la boutique, avec des couleurs sombres, de l’inox, du verre et du bois. L’espace de 40 m2 a été optimisé pour créer un petit labo avec un four vapeur, un espace de découpe, tout en valorisant l’étal, l’offre traiteur, les viviers, le banc d’écailler. La facilité de nettoyage a été pensée. Tous les ingrédients du concept rêvé sont là. Il ne me manque qu’un peu d’espace pour mener à bien tous mes projets. Par exemple, j’aurais voulu proposer un magnifique rayon traiteur maison. C’est l’avenir de notre métier. Malheureusement, la boutique est un peu petite. Alors en attendant d’agrandir ou de trouver un lieu adapté au développement et au stockage de cette activité, un membre de mon équipe, Mélina Boucher, suit une formation dans le domaine.
Dans le 16e arrondissement, les gens sont prêts à mettre le prix sans discuter si la qualité est au rendez-vous. Il faut être très bon.
Il en va de même avec les écaillers. Pour l’heure, j’attends l’autorisation de placer mon banc en extérieur, mais Lounès Labiche, qui rejoint l’équipe, est un écailler aguerri. Enfin, comment ne pas évoquer l’autre membre de l’équipe de la Maison Vanhamme, Fawze Sannier, reconnu meilleur apprenti de France en poissonnerie ? En 2015, j’espère pouvoir prendre un nouvel apprenti. Cela fait trois ans que faute d’argent, je n’en ai pas pris. C’est vraiment dommage, car il est important de partager son savoir-faire et surtout sa passion.
Plus que jamais, il est important de savoir préparer un poisson, un filet, prendre le temps de réaliser une découpe en portefeuille, d’ôter les arêtes, etc. Sinon qui mangera un carrelet dans dix ans ? Les poissonniers sont déjà passés à côté de la mode des sushis : nous ne devons pas perdre du terrain dans le traiteur ni dans la préparation de produits de la mer élaborés, type brochettes, etc.
Pour vous, quels sont les grands défis de la poissonnerie ?
Le premier grand défi reste de valoriser au mieux des ressources qui seront de plus en plus rares, il s’agit de limiter le gaspillage, de travailler nos découpes de façon à satisfaire à la fois les consommateurs les plus exigeants, tout en obtenant le rendement optimal. Il m’arrive de mettre mes arêtes de côté pour des amis qui sont dans la restauration !
Mais le grand défi demeure d’attirer des jeunes dans la profession et donc de s’adapter aux modes de vie d’aujourd’hui. Aujourd’hui de plus en plus de poissonniers achètent en direct des côtes. Ils le font en journée et récupèrent leurs commandes vers 5 ou 6 heures, sans passer par Rungis, de moins en moins compétitif en termes de prix. Parmi les avantages, il n’est plus nécessaire de se lever à 2 heures du matin. Pour la vie de famille, c’est mieux. Chez moi, les achats en direct représentent 25 à 30 % de mes approvisionnements. Pour l’heure, je le fais avant tout pour le rapport qualité-prix. Pour autant, je ne pense pas que j’irais acheter en criée. À chacun son métier.
La poissonnerie, c’est une histoire de famille. Son BTS action commerciale et sa maîtrise d’économie en poche, Arnaud Vanhamme n’a pas hésité à soutenir l’affaire paternelle avant de voler de ses propres ailes. Fier de son titre de MoF, Arnaud Vanhamme se souvient surtout de la belle aventure humaine. |
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