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Vers un code de conduite sociale

Face aux trafics humains dans l’industrie des produits de la mer, la prise en compte de la dimension sociale commence à faire son chemin dans les référentiels de pêche et d’aquaculture durable.

À bord des long-liners asiatiques, les conditions de vie et de travail sont souvent déplorables. (crédit photo : BV)

 

• Parmi les régions les plus risquées,
l’est et le sud-est asiatique figurent
en tête. La Thaïlande est en ligne
de mire pour des migrants sans contrats
sur des navires travaillant au large
ou à terre dans les usines et les élevages. Aux Philippines, en Indonésie,
en Équateur, les exactions sont fréquentes
dans la pêche thonière. À l’index figurent aussi des gros producteurs de crevettes d’élevage latino-américains, indiens
ou bengalis, ainsi que
la salmoniculture chilienne.
Aux États-Unis et en Russie, des cas
de maltraitances sont signalés à bord
des navires crabiers. Plus près, le Royaume-Uni a enregistré des cas de trafics de pêcheurs migrants sans droits sociaux, notamment sur des coquillards. Partout, les plus menacés sont des marins ou des employés en situation irrégulière par rapport aux lois sur l’immigration. Vu le contexte européen actuel, les risques de dérives augmentent. 
 

Contrôler le respect des droits de l’homme dans toute la chaîne d’approvisionnement, c’est le défi auquel l’industrie des produits de la mer devra répondre rapidement. Travail difficile et de longue haleine si l’on en croit le rapport (1) présenté en septembre au World Seafood Congress à Grimsby au Royaume-Uni par Roger Plant. Le consultant a réalisé à la demande du Seafish, équivalent anglais de FranceAgriMer, une enquête sur les dérives d’exploitation du travail et la privation de droits sociaux dans les filières d’approvisionnement de produits de la mer outre-Manche.

Des situations d’emploi forcé, d’abus, de trafic humain et de violences sont dénoncées dans les quinze principaux pays fournisseurs du marché britannique. Au-delà du constat, le rapport invite importateurs et transformateurs à partager leurs efforts d’investigation et de mise en place de chartes éthiques. Un grand pas sera franchi lorsqu’un code de conduite sociale responsable, équivalent à celui de la FAO sur les pêcheries durables, servira de référent international, souligne l’auteur.

La diversité des situations est telle que la mesure des risques éthiques au travail exige des outils pour faciliter le sourcing, au même titre que les ressources halieutiques. L’enquête par pays s’accompagne d’une analyse des risques et de recommandations aux industriels pour améliorer les conditions de travail à bord des navires, dans les fermes d’élevage et dans les usines.

En Thaïlande et au Royaume Uni, se dessinent des pistes d’accords de bonnes pratiques sociales entre fournisseurs et importateurs avec l’appui d’ONG. Le rapport cite Good Labor Practice (GLP), Shrimp sustainable supply chain task force ou encore le projet Issara, particulièrement innovant car il couvre toute la chaîne d’approvisionnement. Aux États-Unis, le comité de Global Aquaculture Alliance accueille désormais une spécialiste des questions sociales afin de faire évoluer les standards d’aquaculture durable.

En plus du respect de la ressource et des écosystèmes, l’écolabel public français prend en compte les conditions de travail à bord et les rémunérations. Son référentiel sert maintenant de modèle à l’Afnor pour élaborer une norme internationale Iso définissant la pêche maritime durable.

Dans l’immédiat, industriels et distributeurs sont directement confrontés à l’image socionégative des produits de la mer à risques. Suite à l’enquête du quotidien britannique The Guardian sur les crevettes du thaïlandais Charoen Pokphand (CP) Foods suspecté d’approvisionner ses fermes avec du poisson fourrage pêché par des bateaux esclavagistes, Carrefour avait suspendu ses contrats avec CP en 2014. En août, le cabinet d’avocats américain Hagens Bermana a porté plainte contre Nestlé qu’il accuse de soutenir le travail forcé au travers de son fournisseur Thaï Union Frozen Product PLC, lui-même suspecté d’encourager « un système d’esclavage » selon le communiqué des avocats.  Des recours ont aussi été déposés à l'encontre de Mars, Procter & Gamble et Costco. Tôt ou tard, la dimension sociale rattrape l’économie sauvage.

Bruno VAUDOUR

(1) « An assessment of ethical issues impacting on the UK seafood supply chain », strategic report (n° 686),
septembre 2015, Seafish.

 

 

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