Truite : Murgat cultive le haut de gamme
Installée aux sources de l’Oron, en Isère, depuis cinq générations, la société familiale Murgat élève ses poissons avec passion. Fière de son histoire, elle envisage son avenir avec un impact environnemental et global maîtrisé.
Charles Murgat Écloserie, alevinage, élevage et transformation de truites, ombles et saumons Production : 700 tonnes par an (dont 200 en vivant). Effectif : 28 personnes. Chiffre d'affaires : |
Le consommateur demande de plus en plus à ses fournisseurs une bonne connaissance de ses produits. Avec Murgat, il peut avoir confiance. Depuis 1898, cinq générations familiales se sont succédé dans l’élevage des poissons. Et celle aux manettes à l’heure actuelle s’affiche dans l’air du temps et passionnée. De la qualité de l’eau à l’emballage en carton, en passant par le bien-être animal et l’alimentation nouvelle génération, Roman Murgat peut parler des heures de son entreprise, de son personnel et de ses poissons. Charles, son arrière-arrière-grand-père, était cocher et assurait la liaison avec Lyon. Une ville où les consommateurs lui demandaient de profiter du voyage pour ramener des truites pêchées aux sources naturelles des Fontaines de l’Oron. L’homme s’intéresse alors à l’élevage de la fario. Les générations suivantes ont amélioré au fil du temps les méthodes et élargi le cheptel à la truite arc-en-ciel, au saumon fontaine et à l’omble chevalier. Vincent, le père de Roman, est encore dans la boucle et passe jeter un œil aux bureaux et sur les bassins. Ici, le bien-être concerne autant le personnel que les animaux. Pour le manager, cela va de pair : « Un élevage demande une attention constante. Si on se sent investi, on limite les erreurs. Et ne rien laisser dériver permet d’éviter les mauvaises pratiques, le mal-être, et donc les traitements pour y remédier. » De fait, le turnover chez les salariés est faible. Et tout le monde veille sur une chaîne intégrée, puisque Murgat est aussi écloseur. « Nous assurons une variabilité génétique, une sélection douce, qui inclut notamment des critères de rusticité, mais pas spécifiquement de critères de rapidité de croissance », précise Roman Murgat. Les alevins non commercialisés (pour le repeuplement des lacs et rivières ou des piscicultures locales) atteignent la taille portion (250 grammes) en une dizaine de mois pour la truite arc-en-ciel, la principale production du site. Le saumon fario et l’omble chevalier peuvent aller respectivement jusqu’à 1,5 et 2 kilos en deux ans. En amont, l’eau est issue des sources de l’Oron, d’un « espace naturel sensible », qui accueille des espèces dites « sentinelles » (crevette, salamandre, castor…), témoins de sa qualité. Elle met environ une heure et demie à traverser l’élevage et est traitée avant rejet. Mais si la société cultive à raison une image proche de la nature, elle n’en est pas moins connectée à l’air du temps. Les drones et le tout numérique ne sont pas le genre de la maison, mais l’expérimentation est un maître-mot à toutes les étapes. Par exemple, un robot permet de mieux nourrir les poissons en étalant les « repas » au fil de la journée. Mais surtout, de lourds travaux sont menés pour créer des bassins en eau recirculée. « À terme, nous baisserons notre captation quotidienne de 80 % », s’enthousiasme Roman Murgat. Tout en maintenant un courant et une oxygénation constants dans des bassins qui ont par ailleurs été couverts depuis 2017, pour des problèmes de prédation et de température de l’eau… Ce qui a permis un large déploiement de panneaux solaires. Autre règle de la maison : la réduction des intrants et, par conséquent, des rejets. « Nous ne souhaitons pas nous embarquer vers plus de volumes ni vers de la croissance externe. Aujourd’hui, il est surtout important de maîtriser notre production et notre impact environnemental », estime Roman. Vaccins et médicaments sont donc réduits au strict minimum, les antibiotiques ne sont plus administrés depuis plusieurs années et l’alimentation – de fabrication française, garantie sans OGM – est fournie proportionnellement à l’âge du poisson et à son rythme biologique. Et ici, on suit avec intérêt les développements autour des insectes et des microalgues. Côté marchés, elle s’adresse aux restaurateurs (70 %), à la GMS (20 %), et pratique la vente directe (10 %). « La mouvance du « consommer local » nous va très bien, poursuit Roman Murgat. Pendant le confinement, nous avons lancé un service de livraison à la demande, qui a très bien marché. Il nous a permis de conserver du chiffre d’affaires et de réduire notre stock. » Enfin, ultime règle maison, intangible depuis une triste expérience avec une enseigne de la grande distribution : aucun des clients (malgré les demandes répétées !) ne pèse plus de 10 % du chiffre d’affaires. « Le marché reste néanmoins tendu, conclut Roman Murgat. Même si la truite est moins chère que le saumon. Les marges sont faibles. Mais on profite de la rareté de la ressource en poisson de mer. » Reportage : Dominique GUILLOT |
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