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Timide reprise

Après plus de trois semaines de confinement, la filière poursuit son adaptation et voit la production donner de faibles signes de reprise.

Les gestes barrière s’imposent dans la filière qui tente de s’adapter à la nouvelle donne des marchés (LF).

 

Des ventes de 300 kg dans les criées après le 17 mars : du jamais vu… L’amont a encaissé en quelques jours, la fermeture des marchés de la restauration (plus de 100 millions de repas perdus chaque semaine) et de l’export. Un temps au front, les organisations de producteurs n’ont pu absorber les invendus et les navires se sont résolus à rester à quai, certaines criées à fermer.

À l’approche de Pâques, on enregistre néanmoins quelques signes de reprises. « Nous n’avons jamais fermé, même dans les périodes critiques du début, indique Olivier Eudes, directeur de la criée de Port-en-Bessin. Nous devions être là, au moins pour que les petits puissent vendre leur marchandise et assurer notre fonction de service. Mais là, quatre hauturiers sont en mer et des 14-16 mètres retrouvent de l’activité. Le marché reste de l’ordre de 25 % par rapport à la normale, mais on note un petit rebond. La promotion, assurée par NFM nous aide. »

Du côté des navires et des mareyeurs, une nouvelle organisation s’élabore, en termes de gestes barrière, de distanciation sociale, aidée par une plus grande disponibilité de masques. Parallèlement aux mesures d’arrêt temporaire, la Commission européenne encourage à reprendre la mer en soutenant les organisations de producteurs pour qu’elles achètent et stockent les invendus. Pierre Karleskind, le président de la commission pêche du Parlement européen, rappelle que « pour notre santé et soutenir une filière qui souffre, elle aussi, de la situation, mangeons du poisson ! ».

Une « promotion » reprise par la grande distribution, devenue le cœur de l’approvisionnement alimentaire des Français confinés. Passés les envols originels (au rayon surgelé, le poisson enregistrait + 108 % après le 16 mars), les hypermarchés accusent de fortes baisses de fréquentation. Mais les supermarchés et les magasins de proximité dans les centres urbains, affichent eux, des chiffres records.

Intermarché promeut la pêche française avec des campagnes de publicité dans la presse, Monoprix, Casino et Géant s’engagent à la soutenir (avec Mericq notamment) et Michel Edouard Leclerc communique sur Linkedin : « Il est décidé de mettre fin à toutes les importations pour privilégier une offre 100 % France, de garantir un prix d’achat avant le départ en mer et de s’engager à acheter 100 % de la capture. » La grande distribution n’en a plus que pour le « made in France » et assure des promotions avec Pavillon France. Pour certains, visiblement, cela marche. Philippe Riéra, PDG de Gloria Maris, se félicitait dans une émission radio que « poussés par le gouvernement, les GMS achètent du français. Du coup, nous avons multiplié par 2 ou 3 nos ventes. »

Promotion, proximité et, au titre de troisième volet de soutien, internet. ProcSea anime toujours un réseau de 40 mareyeurs actifs sur sa plateforme digitale et met à disposition un fil d’actualités qui indique lui aussi que, « en ce début de semaine Pascale, le secteur de la marée reprend des couleurs progressivement avec davantage de navires en mer, principalement côtiers. »

En aval, parallèlement au drive (+65 %) et à la livraison à domicile (+59 %), la vente en ligne s’impose. Rungis lance le site « Rungis livré chez vous » et la région Bretagne produits-locaux.bzh, destiné à « rapprocher producteurs et consommateurs bretons » (agriculteurs, conchyliculteurs et pêcheurs).

En attendant le déconfinement, même dans les secteurs les plus touchés par le virus comme le Grand Est, on garde la tête hors de l’eau : « On n’a pas le choix, il faut nourrir les gens, argumente Arthur Christin, gérant du réseau de poissonneries Schaller. Mais bon, on tourne à 50 % de notre activité habituelle. Je n’ai plus que 39 personnes en activité sur 65. Les 15 premiers jours de confinement ont été très durs, mais avec Pâques, de nombreux bateaux sortent à nouveau et on jongle avec les criées qui ouvrent et ferment. Et nous avons de bons partenaires. »

Dominique GUILLOT

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