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Saumon : les avancées de la Norvège pour un élevage plus responsable

En réponse aux attaques médiatiques, la Norvège du saumon soigne son image en développant des méthodes plus durables et respectueuses de l’environnement.

La ferme aquacole de Bjørøya de Fiskeoppdrett AS.

 


[ Mieux gérer les échappements ]

Ketil Skår, consultant senior à l’Institut vétérinaire de Norvège, a participé au développement d’un procédé permettant d’utiliser les écailles des saumons pour déterminer depuis quand l’individu s’est échappé et en les comparant à celles des spécimens des fermes environnantes, on peut retrouver de quelle cage il provient. « La plupart des saumons domestiques qui s’échappent meurent rapidement, ils sont plus agressifs que les poissons sauvages et donc plus exposés aux menaces, explique le vétérinaire. Mais personne ne veut prendre de risque. Sur certains stocks, des changements ont été observés à cause des reproductions entre saumons sauvages et d’élevage. » Près de 80 % des fermes de Norvège participent au projet, afin de faciliter les recherches. Quand une production est mise en cause, elle doit payer pour récupérer les saumons lâchés dans la nature et ainsi éviter les contaminations. En 2017, 10 000 individus échappés avaient été recensés.
Depuis le début de l’année, 100 000 cas ont déjà été dénombrés.

 

 

La prise de conscience de la part des producteurs et la volonté de satisfaire les attentes des consommateurs font souffler un vent de renouveau sur l’aquaculture norvégienne depuis plusieurs années. Ces changements se traduisent par de nouvelles méthodes de lutte contre les poux de mer, de nouveaux ingrédients dans l’alimentation et la prévention des échappements de saumon.

Le pays élève plus d’1,3 million de tonnes de Salmo salar par an, soit la moitié de la production mondiale, et souhaite multiplier ce chiffre par cinq.
« Cela passe par des techniques d’élevage durables et respectueuses du poisson et de l’environnement », affirme Øyvind André Haram, de la Fédération norvégienne des produits de la mer. Les antibiotiques, utilisés à outrance dans les années 1980-1990, sont la grande peur des consommateurs et le pays se bat contre cette image. « Notre utilisation d’antibiotiques est proche de zéro, poursuit-il. Ils ont été remplacés par des vaccins effectués sur les juvéniles. »

En vue de lutter contre les maladies, comme le pou de mer, les scientifiques ont développé plusieurs solutions pour éviter aux producteurs d’utiliser des antiparasites chimiques. La plus radicale : un laser qui brûle les poux sans affecter ni endommager le saumon car ses écailles sont réfléchissantes et le protègent des rayons. Les producteurs testent des élevages offshore et des structures d’élevage qui permettent de faire descendre les saumons plus profondément dans les cages. Naturellement, les saumons vivent à 4-5 mètres de la surface de l’eau, alors qu’en profondeur, les poux de mer sont beaucoup moins présents.

Outre le travail sur les poux, de nombreuses recherches ont été menées par BioMar, principalement sur l’alimentation durable des saumons. L’entreprise a lancé il y a dix ans BioSustain, un outil de mesure de la durabilité en aquaculture, pour faire valoir les bonnes méthodes. Pour eux, l’aquaculture durable commence par une alimentation durable. « Avant les années 2000, le saumon d’élevage contenait plus d’oméga 3 que le saumon sauvage car sa nourriture était composée majoritairement d’huile de poisson, qui en est riche, explique Vidar Gundersen, directeur développement durable chez BioMar. Après le passage à l’huile végétale, le taux d’oméga 3 dans le saumon d’élevage a drastiquement chuté. »

Pour combler ce déficit , la société a lancé le projet Blue, avec pour objectif de ramener la teneur en oméga 3 du saumon d’élevage au même niveau que son cousin sauvage. « Le saumon n’a jamais été herbivore, poursuit le chercheur. Il ne serait pas naturel d’arriver à une alimentation 100 % végétale. » BioMar introduit du krill MSC dans sa nourriture, des microalgues et compte sur la farine d’insectes pour apporter les protéines animales nécessaires. « Les insectes constituent une matière première fantastique. Aux États-Unis et au Canada, ils sont nourris avec des déchets alimentaires et servent ensuite de nourriture aux saumons. En Europe, les normes sanitaires sont plus strictes, il faut que les insectes soient nourris avec des coproduits de l’industrie agroalimentaire », déplore Vidar Gundersen.

Guillaume Joris

 

 

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