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Saumon : annoncer la couleur

Pigment naturel ou pigment de synthèse colorent la chair des salmonidés mais l’information ne parvient pas aux consommateurs. Face aux attentes du marché, le recours aux solutions naturelles gagne du terrain.

Le saumon d’Isigny utilise un pigment naturel et il le fait savoir à ses clients. (Créidit photo : DR)

 

Toute vérité est-elle bonne à dire concernant la couleur du saumon ? Oui, répondent certains salmoniculteurs qui mentionnent volontairement qu’ils colorent la chair du poisson avec un pigment naturel. Quitte à revendiquer une couleur orange moins prononcée, plus proche du saumon atlantique sauvage. Ce choix est loin de faire l’unanimité auprès des professionnels considérant que la couleur est un critère qualitatif aux yeux des consommateurs. Lequel ignore totalement qu’un pigment intégré dans l’aliment aquacole colore la chair du saumon, selon une échelle de référence (Salmofan). De fait, l’étiquetage du saumon frais ou fumé n’impose pas de mentionner la présence de colorant dans la chair.

À l’état sauvage, le saumon se nourrit de microalgues riches en caroténoïdes et de petits crustacés eux-mêmes naturellement colorés par un pigment essentiellement d’origine aquatique, l’astaxanthine. Laquelle a aussi l’avantage d’être un excellent antioxydant.

Qu’il soit sauvage ou d’élevage, le saumon ne peut synthétiser ce pigment caroténoïde qu’il trouvera seulement dans son alimentation. À l’état sauvage, ses proies lui conféreront sa couleur rose ou orangée, voire rouge vif dans le cas du sockeye. En aquaculture, l’origine de l’astaxanthine intégrée dans l’aliment est naturelle ou synthétique. Obligatoire en salmoniculture bio, la pigmentation naturelle progresse sur d’autres marchés. Au Royaume-Uni, la plupart des cahiers des charges d’enseignes imposent le pigment naturel. Et la quasi-totalité du saumon écossais l’a adopté.

« Aux États-Unis, la réglementation fédérale impose la mention « colorant ajouté » sur les étiquettes, suite aux pressions des pêcheurs d’Alaska. Ce qui incite progressivement les opérateurs à préciser qu’ils emploient un pigment naturel. Whole Foods-Amazon en a fait une exigence. Un reportage sur la chaîne ABC du magazine Four Corners, en octobre 2016 en Australie, a déclenché une avalanche de réactions des consommateurs sur l’origine réelle du pigment du saumon tasmanien », rappelle Dominique Corlay, directeur d’Aquaculture Natural Solutions (ANS), représentant de la société JX Nippon (lire encadré) qui commercialise le Panaferd, pigment naturel utilisé par les fabricants d’aliments aquacoles.

« Tôt ou tard, cette question viendra sur la table en France. C’est un sujet qui monte. La vérité n’est pas faîte sur l’obtention de la couleur. Qualifiée « d’identique nature », l’astaxanthine de synthèse n’est pas un pigment d’origine naturelle, tandis que son profil chimique ne correspond pas d’avantage à celui du saumon sauvage », constate Dominique Corlay, qui reconnaît en même temps être partie prenante en tant que fournisseur de pigment naturel.
L’industrie pétrochimique et de la nutrition produit par différents procédés de réaction en chaîne de l’astaxanthine de synthèse dont la forme est inhabituelle dans la nature. Largement utilisés en aquaculture standard, les pigments de synthèse font aussi fonction d’antioxydant.

Du côté des pigments naturels, il existe plusieurs sources que l’on trouve en début de chaîne alimentaire. Telles les bactéries Paracoccus carotinifaciens, dont est extrait le Panaferd, ou les levures, à l’instar du Phaffia, un des premiers pigments utilisés pour le saumon d’élevage bio. Restent des microalgues, type Haematococcus pluvialis, mais leur coût pour l’instant élevé les destine davantage aux compléments alimentaires humains plutôt qu’à l’aquaculture.

Bruno VAUDOUR

 

[ Le pigment naturel à peine plus cher ]

Extrait du micro-organisme bactérien Paracoccus carotinifaciens, Panaferd s’obtient par une technique de fermentation, de concentration et de séchage brevetée par JX Nippon, groupe impliqué dans l’énergie et les biotechnologies. Son pigment naturel, à forte teneur en astaxanthine, s’est largement diffusé en salmoniculture et il dispose d’un agrément bio. Son différentiel de coût comparé au pigment de synthèse ? « Pour un même objectif de pigmentation, comptez 3 centimes de plus au kilo de poisson, répond Dominique Corlay Un opérateur irlandais a même avancé que s’il annonçait un pigment naturel, il pouvait se permettre d’avoir une couleur plus claire aux yeux des clients. » Pour un coût équivalent.

 

 

 

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