Que Choisir traîne le chalut au fond
Comment faire le buzz à partir d’une étude trop simpliste qui tombe inévitablement dans les clichés. Dommage, Que Choisir nous avait habitués à mieux, à bien mieux.
à savoir Selon le Conseil scientifique technique et économique des pêches de l’UE, 40 % des stocks sont sur-exploités dans la zone Atlantique et 87 % en Méditerranée. Ces statistiques concernent seulement un tiers des stocks de poissons dont on dispose de données scientifiques, mais ils représentent 75 % des captures des flottilles européennes. |
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Très grosse déception à la lecture de l’enquête sur la durabilité de la pêche titrée « La grande distribution fait l’impasse sur la protection des ressources marines », réalisée par le service des études de l’UFC-Que Choisir. Mise en ligne à la veille des fêtes et du Conseil européen sur les quotas, cette enquête visait à faire pression sur les ministres des pêches pour qu’ils suivent les recommandations scientifiques du Ciem (1). Et à faire le buzz auprès des médias nationaux qui ont fait un copié-collé des conclusions de l’étude. Réalisée à partir de visites de bénévoles de l’association UFC-Que Choisir dans 1 134 rayons marée des enseignes françaises en janvier et février 2018, l’enquête s’est focalisée sur trois espèces : le cabillaud, la sole et le bar. Les auteurs de l’étude s’appuient sur deux critères, l’engin et la zone de pêche, pour apprécier la durabilité des captures. Sauf que la simplification débouche inévitablement sur des raccourcis dangereux quand il s’agit d’informer les consommateurs. Que Choisir qui, par le passé, a analysé factuellement les pratiques de pêche en France et en Europe, considère cette fois le chalutage comme une méthode systématiquement non durable. Jugement définitif quels que soit l’espèce visée, l’écosystème de la pêcherie, les mesures de sélectivité et les modes de gestion. La drague passe aussi à la trappe alors que les pêcheries de saint-jacques en Bretagne et Normandie sont des modèles de gestion durable. Fait surprenant à propos des zones de pêche, une des plus importante pour les pêcheurs français, à savoir le golfe de Gascogne (zone 27 XIII, a, b, c, d, e) n’apparaît pas dans les tableaux. L’enquête considère par ailleurs comme zones non durables celles pour lesquelles les scientifiques demandent une baisse de quota. Ce qui n’empêche pas que la pêcherie soit durable dans la mesure où les quotas sont respectés et que les pêcheurs s’imposent des règles de gestion. Cette année par exemple, des baisses de Tac seront effectives sur des stocks déjà au rendement maximal durable (RMD). Dans l’Union européenne, les progrès sont plus que sensibles : 69 % des stocks sont exploités au RMD. Soit 53 stocks contre seulement 5 en 2009 et 44 en 2017. En croisant méthodes et zones de pêche, l’étude arrête que « 86 % des poissons dans les magasins enquêtés ne sont pas durables ». Un abus de langage dans la mesure où les trois espèces prises en comptes pèsent à peine le tiers de la consommation française de poisson frais. Paradoxalement, les auteurs conseillent aux consommateurs d’acheter des espèces dont les stocks sont en bonne santé – lieu noir, merlan, hareng et maquereau – et pourtant majoritairement pêchées… au chalut. Plus réalistes sont les défauts ou les erreurs et imprécisions d’étiquetage relevés en rayon alors que la réglementation impose de préciser la méthode de production, la zone de pêche ou d’élevage et l’engin de pêche. L’UFC-Que Choisir constate des lacunes dans 66 % des cas et saisit les pouvoirs publics pour contrôler le respect de l’étiquetage. Ce qui est fait régulièrement. En 2016, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a contrôlé 1 400 magasins et relevé 46 % d’anomalies. Bruno VAUDOUR |
[ Des erreurs bêtes ! ] ◗ Petit détail révélateur d’une certaine méconnaissance, la photo de poisson plat figurant dans l’étude n’est pas de la sole mais de la limande-sole. Et contrairement à ce qui est avancé, il existe deux espèces de soles d’élevage. La première (S. solea) pousse aux Pays-Bas, la seconde (S. senegalensis) en Espagne, au Portugal et en Islande. |