Poissons alpins : les lacs ne font plus le plein
Particulièrement prisés des chefs locaux, les espèces des lacs alpins, féra et perche en tête, voient leurs volumes de captures décroître.
Chens-sur-Léman est la première commune du côté français, à l’ouest du grand lac international… bien qu’elle donne sur la partie dite du « petit lac ». À l’est, vers Thonon et Évian-les-Bains, il s’ouvre bien plus largement et plonge jusque 310 mètres. C’est dans son calme petit port que la famille Carraud a ses habitudes depuis plusieurs générations. Et Laurent, son bateau et son atelier. « J’ai débuté à 16 ans, formé sur le tas, alors qu’aujourd’hui, un minimum de connaissance est demandé. » Fort de sa licence professionnelle, il assure des sorties en solitaire sur son navire en bois de 7 mètres. « Selon les prises ciblées, j’ai des équipements différents : une centaine de mètres de filets de maille 23/28, souvent coupés en deux, pour la perche ; des « pics » d’une centaine de mères, plongées à 15/20 m pour la féra ; des nasses pour les écrevisses… le tout déployé à la main. D’autres pêcheurs sont mieux équipés, avec des navires en inox plus larges, avec vire filets et cabines. Mais moi, je me débrouille. Je vis sans taper à fond dans la ressource. »
Car la ressource, malgré le travail de dépollution des eaux et l’élevage pour ensemencement à partir d’oeufs prélevés dans les frayères naturelles, semble décroître : « La féra se fait rare depuis plusieurs années, alors qu’un temps, on en prenait des gros wagons. »
À terre, dans son petit atelier aux normes, Laurent Carraud assure vidage, écaillage (de la perche, avec des épluchelégumes mécaniques de restauration !), filetage, mise sous vide, congélation… Les écrevisses, elles, n’ont l’autorisation de partir que vivantes. Si pendant le confinement les ventes ont surtout bien marché avec des particuliers, elles se font en général en direct et aux restaurateurs, voire via des grossistes.
« L’eau douce représente une belle part de notre chiffre d’affaires, détaille Hippolyte Madelin, commercial chez Annecy Marée, grossiste spécialisé auprès de la restauration. Cela fait vraiment partie de l’offre locale. » Dans un esprit de circuit court, la maison est proche de la pisciculture Petit (Ain) et des pêcheurs des lacs. « Il y a quatre ou cinq ans, il y avait effectivement beaucoup de féra. On la passait entière à 9 ou 10 €/kg ou 14 en filet. Aujourd’hui, elle est à 12-13 entière et 20-21 en filet. Tout le monde en veut, mais on en manque. »
Pour la perche, le brochet ou l’écrevisse, des alternatives existent, mais dans des qualités moindres, en provenance du Danemark, d’Estonie, de Pologne ou d’Angleterre. La perche particulièrement, largement consommée autour des lacs, voit de gros volumes arriver en frais d’Estonie ou de Pologne, passés par le Danemark, puis Boulogne. L’essentiel des flux est néanmoins pour le surgelé, quasiment au même prix. Au consommateur final de faire, dans les restaurants, le distinguo subtil à la carte entre perche « du » et « de » lac…
Les espèces d’eau douce |
◗ La féra, lavaret ou corégone, est une espèce indigène du lac Léman, à la chair délicate. ◗ L’omble chevalier appartient à la famille des salmonidés. Il est aussi reconnu pour la finesse de sa chair. ◗ Le brochet est très connu grâce à la fameuse recette lyonnaise des quenelles de brochet sauce Nantua. Difficile à élever, il est peu abondant dans les eaux des lacs. ◗ La perche représente une part importante des prises effectuées par les pêcheurs des lacs alpins. Consommée en filet, façon meunière ou en friture, elle est appréciée dans l’est de la France. ◗ La truite lacustre ressemble davantage à un saumon qu’à une truite. ◗ L’écrevisse est l’unique crustacé pêché en Rhône-Alpes. Après un risque d’extinction, elle a été réintroduite au début du XXe siècle. |
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