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Marché : la pêche fustige la concurrence de l’import

Mise en avant de la pêche locale au Carrefour Alma, à Rennes, le 25 avril. Mais dans la file, la demande des clients pour du dos de cabillaud reste forte… (Photo : Solène Le Roux)

 

Le marché actuel est trop faible pour permettre à la pêche hauturière de reprendre la mer. Surtout, l’import fait chuter les prix, dénoncent les pêcheurs.

Actuellement, la petite pêche et la pêche côtière sont dynamiques, avec environ les trois quarts de la flotte en mer. Ceux qui manquent à l'appel sont surtout les caseyeurs, faute de marché pour les crustacés, avec la baisse à l’export et l’arrêt de la restauration classique. Par contre rares sont les hauturiers en mer, à part l’armement Scapêche (groupement Intermarché) et quelques artisans sur des marées courtes, mais 95 % de la flottille hauturière est le long du quai. « Au quai, et pas OK, commente Soazig Palmer Le Gall, qui dirige l’Armement Bigouden au Guilvinec. Nos 11 navires sont à l’arrêt. Si on les envoie en mer maintenant, le marché va s’écrouler. Autant faire marcher les bateaux actuels. La reprise dépend beaucoup du marché, notamment de la RHF (restauration hors foyer). »

Jusqu’ici, face à cette offre limitée, les acheteurs répondaient plutôt présents, et un certain marché a pu être maintenu. Mais c’est très compliqué depuis quelques jours. Les pêcheurs reprochent à des mareyeurs, et des distributeurs, de ne pas jouer le jeu de la solidarité nationale et d’importer à bas prix des produits concurrençant la pêche française. De la lotte, par exemple. Car dans d’autres pays, les flottilles hauturières sont reparties en mer. Et il en faut peu pour déstabiliser le petit marché actuel. Les importations font chuter les cours, empêchant la reprise des navires restés à quai depuis mars. « Du poisson étranger rentre en France chaque jour à des prix dérisoires pour être vendu dans les grandes surfaces alors que les bateaux français restent à quai. C’est inadmissible ! », s’insurge Olivier Le Nézet, président du comité des pêches de Bretagne.

Plusieurs initiatives ont été lancées pour favoriser le Made in France, comme la carte interactive de Pavillon France donnant les lieux de ventes de produits de la mer ouverts durant le confinement. Ou encore son équivalent breton, allolamer.bzh, mis en place par l’association Breizhmer, réunissant les filières de la mer bretonne. « Arrêtez d'acheter du poisson étranger, lance Olivier Le Nézet dans un appel à la solidarité des consommateurs. Arrêtez de manger du dos de cabillaud et du saumon et consommez le poisson et les crustacés pêchés par les bateaux français. Prenez le temps d'apprendre à cuisiner les poissons de nos côtes : lotte, raie, turbot, barbue, saint-pierre, lieu jaune, rouget barbet etc. ! Les pêcheurs français comptent sur vous ! »

La conchyliculture déplore aussi une baisse du prix d’achat par les GMS auprès de leurs fournisseurs, et la concurrence de l’import de produits irlandais. « Il n’est pas non plus tenable d’assister à des actions de promotion sur les huîtres en cette période de crise », dénonce Sylvain Cornée, vice-président du comité conchylicole de Bretagne nord. Breizhmer en appelle à la responsabilité des acteurs. « Certaines enseignes ont cédé aux vieux démons du profit alors qu’elles continuent d’afficher leur soutien aux producteurs français. » L’association demande aux GMS « d’avoir un comportement responsable, notamment en termes de prix d’achat aux producteurs, en s’engageant à acheter aux prix d’avant confinement. » Elle réclame aussi un affichage clair des origines des produits pour éclairer les choix des consommateurs. Et annonce qu'elle compte saisir le gouvernement pour qu’il soit mis fin aux pratiques jugées abusives.

Solène LE ROUX