Loi Egalim 2 : quels enjeux ?
Votée le 24 juin 2021 et sensiblement amendée par le Sénat le 22 septembre, la loi Egalim 2 devrait être définitivement adoptée en octobre ou novembre. Visant à sanctuariser les prix agricoles, elle va impacter les relations entre industriels et distributeurs. La loi s'appliquera avant les négociations commerciales 2022. Pallier les limites de la loi Egalim (2018) issue des États généraux de l’alimentation ? C’est précisément l’objectif de la loi Egalim 2, dite loi de protection de la rémunération des agriculteurs, portée par le député Grégory Besson-Moreau. Elle repose sur deux piliers : la sanctuarisation des prix agricoles, et la transparence quant à la formation des prix des produits alimentaires. « Cela fait dix ans que les produits sont achetés moins cher chaque année aux industriels par la grande distribution, à cause de la loi LME de 2008 [loi de modernisation de l’économie] qui a déverrouillé la négociation des prix », explique le rapporteur de la loi.
Avec des enseignes de distribution qui se comptent sur les doigts de la main et un très grand nombre de producteurs et d’industriels (17 000 selon le député), les GMS sont en position de force pour fixer les prix. Au final, « les agriculteurs sont devenus la variable d’ajustement des négociations tarifaires », selon le député. En partant des coûts de production, en instaurant un prix plancher et en contractualisant pour trois ans les prix agricoles, cette loi vise donc à renverser la vapeur et à mettre fin à la déflation systématique des GMS. L’idée ? Renforcer la construction du prix « en marche avant », c’est-à-dire de l’amont vers l’aval. Dans le projet de loi, les industriels peuvent imposer aux distributeurs une clause de révision des prix des matières premières agricoles (ou ingrédients) entrant pour plus de 25 % en volume dans la composition du produit final (à l’exclusion de ceux présents en moindre quantité).
Reste que le texte a soulevé moult inquiétudes, notamment chez les industriels : formalités inadaptées aux PME, risque de fragiliser le maillon de la transformation et de favoriser les importations (bien loin de la volonté de la loi ), absence des marques de distributeurs, risque de dévoiler trop d’informations sur leurs coûts de production aux GMS. Cette loi est « une mauvaise réponse à un vrai problème », résumait ainsi Pascal Bredeloux, président des ETF et chargé de la communication de l’Adepale. « La version initiale de cette proposition de loi, bien qu’animée de bonnes intentions, courait le risque, comme la loi Egalim, de susciter beaucoup d’espoirs déçus ; nous l’avons donc musclée et simplifiée, pour que le texte final ait de réels impacts », explique Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques du Sénat.
Le Sénat suggère aussi de renforcer la régulation de l’étiquetage de l’origine, en inscrivant clairement l’affichage obligatoire de l’origine de l’ingrédient primaire d’une denrée alimentaire, si l’origine de la denrée est différente. Cette loi, en l’état actuel, concerne quasi exclusivement les produits agricoles. Pierre Commère, en charge des produits de la mer à l’Adepale, ne formule pas d’attentes en la matière, mais souligne deux distinctions majeures entre les produits de la mer et les produits agricoles : la formation des prix est très différente, et les produits de la mer du marché français sont aux trois quarts importés.
« Pour desserrer l’étau sur les agriculteurs en amont, il importe que le rapport de force en aval, entre industriels et distributeurs, soit rééquilibré, assure Anne-Catherine Loisier, rapporteure. Or il y avait plusieurs absents dans ce texte : les pénalités logistiques n’étaient pas traitées, les produits vendus sous MDD non plus alors qu’ils représentent 30 % des rayons, et trop peu de matières premières agricoles étaient sanctuarisées. En outre, le déséquilibre était accentué par le fait que désormais, les fournisseurs auraient eu à dévoiler leurs marges aux distributeurs. Nous avons donc créé un cadre réglementaire clair et étoffé qui corrige ce déséquilibre. »
Ce qui est reproché à la première loi Egalim
Issue des États généraux de l'alimentation (d’où son surnom ), la loi Egalim a été promulguée en novembre 2018. Son objectif : enrayer la course aux prix bas dans les GMS afin d'améliorer la rémunération des agriculteurs. Le texte contenait deux mesures phares. Ainsi, le seuil de revente à perte (SRP) – qui interdit de vendre un produit en dessous du prix auquel il a été acheté au fournisseur –, avait été relevé de 10 %. Les « promos » avaient été plafonnées à 34 % de la valeur du produit (exit le « un produit acheté, un produit offert ») et à 25 % des volumes écoulés par l’enseigne. Au final, le prix des produits alimentaires est reparti à la hausse dès 2020, au détriment des agriculteurs. Moins de 28 % des négociations entre producteurs et distributeurs se sont soldées par des hausses de prix d’achat. Et les marges des distributeurs et des grandes marques ont flambé (puisque le relèvement du SRP « forçait » à de meilleures marges sur les produits leaders).
Vincent SCHUMENG et Fanny ROUSSELIN-ROUSVOAL
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