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L’aquaponie, une filière qui pousse

Kayna R., Guillaume B.

 

Les Rencontres de l’aquaponie du 14 décembre dernier ont été l’occasion pour les acteurs de cette filière naissante de se retrouver et d’échanger. Au programme : ingénierie, innovation et bonne humeur.

Un enthousiasme fébrile propre aux innovations et aux nouveaux pro jets s’est emparé du site d’Echologia (Mayenne) le 14 décembre dernier. Les acteurs de la filière encore balbutiante, qualifiée « d’embryonnaire » par Laurent Quéffelec, président de la Fédération française d’aquaponie (FFDA), se sont rassemblés lors des Rencontres de l’aquaponie. 

L’objectif de cet évènement est de « fédérer et mettre en relation les professionnels ». Vincent Brault, un des fondateurs du site Echologia, ne cache pas son excitation à l’ouverture de l’évènement : « La passion et l’engagement sont les ingré- dients de cette aventure humaine qu’est l’aquaponie, pour construire cette filière. » Ce ne sont pas moins de 36 intervenants qui sont venus présenter leurs travaux, tous très techniques : valorisation et minéralisation des boues piscicoles, exploitation de nouvelles espèces comme la lotte de rivière, dimensionnement des exploitations aquaponiques, etc. Des entreprises sont également venues présenter leur projet : pépinière aquaponique, exploitation aquaponique à vocation très productive et/ ou de grande surface (jusqu’à un hectare), aliment piscicole adapté aux systèmes recirculés… 

Notons le cas de Groupe One, une association de montage de projet en alimentation durable qui a présenté le projet Smart Aquaponics, un algorithme qui simule la gestion d’une ferme aquaponique en modélisant chaque élément (poisson, légume, chaque pompe, etc.) lié aux autres. Il permet de fournir des informations techniques et économiques sur l’exploitation. L’Itavi, centre de recherche piscicole, met son expertise technique au service des (futurs) producteurs, et publiera en 2022 des fiches synthétiques sur la chimie de l’eau, le dimensionnement, ou encore la gestion de l’eau et des rejets. Le centre de recherche a également un projet colossal : formaliser des données économiques sur la base de modélisations et d’une enquête technico-économique. Les acteurs sur place sont unanimes, la filière a besoin de se professionnaliser et se formaliser. 

Naissante et balbutiante, la FFDA ne dispose pas aujourd’hui de données économiques précises. Elle indique une production aquaponique piscicole de l’ordre de 30 tonnes annuelles, mais il est très difficile de dégager un modèle économique standard. Pour les débouchés commerciaux, Laurent Queffelec distingue deux modèles : un modèle plus productif avec des ventes en direction de la GMS ou de la transformation destinée à la GMS, et un modèle moins productif qui s’oriente vers les circuits courts et la RHF. Un point commun entre toutes les fermes aquaponiques : le chiffre d’affaires est aussi composé d’autres activités comme l’accueil, l’agrotourisme, la formation, ou encore le conseil. Mais la proportion de chaque activité est très dépendante du modèle économique choisi.

Le site Echologia souhaite être le centre de gravité de cette nouvelle filière, en proposant des programmes de formation et des colloques. Cela ne fait aucun doute, l’aventure de l’aquaponie ne fait que commencer. Les enjeux sont à présent la consolidation des données économiques, la professionnalisation, les problématiques d’investissement et réglementaires, ainsi que la valorisation, via notamment le marketing. La filière est prête à déployer son potentiel, avec la construction de trois fermes de plus d’un hectare d’ici un ou deux ans.

L’aquaponie,kézaco ?

Après un travail d’enquête, la FFDA propose une définition précise de l’aquaponie comme étant une « association d’un élevage aquacole recirculé en eau douce ou salée à la culture de plantes hors-sol, avec des bactéries qui recyclent les effluents d’élevage en nutriments pour les plantes ». L’eau peut aller des poissons vers les plantes, mais pas toujours retourner vers le poisson ensuite. Cette nuance couplage/découplage a valu à la FFDA de définir trois sous-définitions très précises et techniques de l’aquaponie, que les professionnels espèrent être utiles pour rédiger des cahiers des charges réglementaires. Guillaume Beucher, cofondateur d’Echologia, distingue deux modèles et deux approches de l’aquaponie : un modèle de micro-ferme comme un « projet de vie » et un modèle plus industrialisé, et une approche technico-scientifique face à une approche empirique. L’aquaponie est vantée pour ses avan tages environnementaux : moindre utilisation de l’eau, préservation de la qualité de l’eau, autant d’énergie qu’en aquaculture recirculée et autant d’eau qu’en hydroponie mais avec une double production, et la possibilité de monter des projets aquaponiques là où des projets piscicoles et/ou agricoles ne sont pas possibles en principe. Laurent Queffelec l’affirme : « L’aquaponie complète les productions actuelles, elle se met à côté et en plus, et non en opposition. »


Vincent SCHUMENG