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L’alimentaire au cœur de la crise sanitaire

La grande distribution s’impose au centre de la crise et la pêche essaye de maintenir la tête hors de l’eau.

Un marché rennais à l'heure du coronavirus. (crédit : DG)

 

Le 21 mars, l’Union du mareyage français (UMF) envoyait au ministre de l’Agriculture et de la Pêche Didier Guillaume, une lettre pour lui rappeler « la totale mobilisation du mareyage afin d’assurer l’approvisionnement de nos concitoyens en produits de la mer frais ». Tout en appelant à l’aide. « Nos adhérents ont besoin d’un soutien fort », plaide Peter Samson, secrétaire général de l’UMF. L’organisme, qui a mis en ligne un outil d’aide à la continuité d’activité dans le mareyage régulièrement mis à jour, souligne notamment le besoin, aussi pour ce maillon de la chaîne des produits de la mer, d’appliquer la révision du cadre européen des aides d’État aux acteurs de la pêche et de l’aquaculture adoptée le jeudi 19 par la Commission européenne. Celle-ci décidait alors de revoir le dispositif des aides d’État et acceptait de porter le plafond des aides de minimis (auxquelles elle ne s’opposera pas pour des raisons de concurrence faussée) à 120 000 euros par entreprise de pêche, au lieu de 30 000 euros.

Un énième épisode dans la longue série des adaptations de la filière des industries agroalimentaire à la crise sanitaire du Covid-19 et à celle, économique, qui en découle. Le ministre de l’Agriculture et Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, ont diffusé la semaine dernière, un message « d’encouragement et de reconnaissance » aux salariés du secteur, saluant leur « sens des responsabilités » qui permet « d’assurer aux Français qu’ils pourront se nourrir sainement et sans privation ». « Nous comptons sur vous », ont fait valoir les deux ministres en promettant qu’« en retour, l’État sera à leurs côtés pour traverser cette période difficile ».

Aujourd’hui justement, les entreprises des pêches maritimes (Association nationale des organisations de producteurs, Anop, et Union des armateurs à la pêche de France, UAPF), demandent au Président de la République à ce que leurs entreprises « puissent bénéficier dans les plus brefs délais de mécanismes de soutien permettant d'assurer leur pérennité au-delà de la crise sanitaire. L'administration travaille actuellement sur un dispositif d'arrêt temporaire qui nous semble le plus adapté pour pourvoir rapidement aux besoins des entreprises concernées ».

Ce week-end, le Sénat puis le Parlement ont adopté le projet de loi permettant l’instauration d’un état d’urgence sanitaire pour deux mois. Il donne un cadre légal aux dispositions d’exception qui ont commencé à être mises en œuvre depuis le 16 mars. Elles devraient notamment permettre de réduire les tensions sur les effectifs de salariés présents dans la grande distribution et les transports qui craignent pour leur santé. Parallèlement, l’État incite à verser des primes aux salariés qui ne peuvent télétravailler.

Avec le confinement, la chaîne de l’alimentaire se repense dans l’urgence. Mais la pêche ne s’en sort pour l’instant pas gagnante. Les scènes de foule dans les supermarchés, parée à stocker pâtes et conserves en vue d’un long confinent au foyer, s’atténuent un peu. La France se discipline pour faire face à une situation exceptionnelle. Mais après la fermeture des marchés de la restauration collective et commerciale, la grande distribution se retrouve au centre du jeu. Même si la CGAD (Confédération générale de l’alimentation en détail) souligne la mobilisation des commerçants de détail, les linéaires de la GMS deviennent les quasi exclusifs points d’approvisionnement. Elle est donc en première ligne sur les gammes et les prix. À ce jeu, la qualité et la diversité de la pêche française n’apparaissent pas comme des éléments parfaits pour répondre à la crise, au contraire du saumon de Norvège par exemple.

Entamés en début de semaine dernière, les échanges semblent néanmoins avancer entre pêche, mareyage et distribution. Le groupe Carrefour par exemple, a publié le 23 mars un communiqué dans lequel il s’engage auprès de plusieurs mareyeurs, dont le groupe Océalliance, pour « garantir des volumes et des prix d’achat sur une dizaine d’espèces majeures dont le maquereau, la sardine, la julienne ou le merlan. Alors que le secteur de la pêche est fortement touché par la crise sanitaire, dont la moitié des débouchés dépend normalement de la restauration, Carrefour souhaite apporter son soutien et de la visibilité à une filière essentielle de l’agroalimentaire français ».

Océalliance a fait le choix de maintenir ses activités et s’engage à ce que « ses 12 implantations en France et en Écosse, appliquent des prix cohérents et permettent à leurs clients de remplir leur devoir d'effort en soutien à nos concitoyens ». Peter Samson de l’UMF confirme que « de nombreux mareyeurs maintiennent une activité, même dégradée, et sont opérationnels si la demande augmente. Le maillon se tient prêt. » Vendredi dernier, plus de 50 % des mareyeurs inscrits en criée étaient encore actifs en achats sous les criées de l’arc Atlantique et de Bretagne. Avec plutôt des arrêts des entreprises tournées vers l’export, vers les produits fins en restauration ou encore spécialisées en crustacés.

L’adaptation des produits et filières plutôt dédiés à la restauration à celle de la grande distribution, devient un impératif. Sur les réseaux sociaux, Nicolas Fiastre, directeur régional de Terre Azur Rungis, évoquait la « semaine improbable pour les équipes. Nous avons dû adapter notre activité en arrêtant brutalement la restauration commerciale, en développant nos ventes pour accompagner la distribution ». La société belge, Aqua Service, appelle quant à elle la GMS à absorber des stocks de surgelés destinés à la restauration.

Autre inquiétude de l’UMF : que les activités connexes ne suivent pas : « Quid de la logistique, l’emballage, la fourniture de gaz pour le LS ? », s’interroge Peter Samson. Sans compter les impayés des clients qui vont compliquer la gestion des trésoreries.

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Dominique GUILLOT

 

 

 

 

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