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États-Unis - Chine : taxes contre taxes

De mesures de rétorsion en mesures de rétorsion entre Pékin et Washington, les produits de la mer sont touchés. De quoi déstabiliser les opérateurs américains en premier lieu… Mais demain ?

(Crédit photo : T.N.)

 

Stéphane Vrignaud,
représentant de la Noaa auprès de l’UE.


« Il est bien difficile d’imaginer
l’évolution des cours. Néanmoins,
pour les importateurseuropéens,

il y a probablement des opportunités. »

 

 

 

 

 

636,5 M$ (545 M€), la valeur des exportations américaines vers la Chine entre janvier et juillet 2018, dont 175,2 M$ (150 M€) de crustacés vivants.

1 062 M$ (910 M€), la valeur des importations américaines depuis
la Chine en produits
de la mer entre janvier et juillet 2018.





 

En juillet, les homards vivants américains entrant sur le sol chinois se sont vus appliquer une taxe d’entrée de 25 %. Ce 24 septembre, de nombreux produits de la mer chinois, tels les crevettes ou le tilapia, se verront appliquer 10 % de taxes supplémentaires en arrivant aux États-Unis. En janvier 2019, ce sera 25 %. Et rien ne dit que la liste de 5 745 produits chinois destinés à être surtaxés ne s’allongera pas en cas de nouvelle réplique chinoise. Or, elle se profile.

« Les espèces les plus menacées sont le homard, le saumon du Pacifique, le cabillaud et le colin d’Alaska, les huîtres et le flétan, cite Stéphane Vrignaud, représentant de l’administration américaine, la Noaa (National oceanic and atmospheric administration), sur les questions liées à la pêche auprès de l’Union européenne. Des espèces pour lesquelles le marché chinois devenait de plus en plus important, avec la hausse du niveau de vie des habitants et la dynamique du e-commerce. Mais surtout depuis la fermeture du marché russe et la signature du traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. »

Entre janvier et juillet 2018, avant les premières taxes, les exportations de mollusques vivants des États-Unis vers la Chine avaient progressé de 113 % par rapport à la même période 2017, passant de 33,5 à 71,5 millions de dollars (28,7 à 61,3 millions d’euros). Pour les crustacés vivants, principalement le homard, la valeur des exportations a dépassé les 175 millions de dollars (149 millions d'euros), en hausse de 42,64 % comparée à la même période en 2017 et de 79 % par rapport à 2016.

Pour les poissons surgelés, le marché chinois a, lui, plutôt eu tendance à baisser. Légèrement. Les exportations de saumon du Pacifique, colin d’Alaska, cabillaud et autres poissons destinés à être transformés en Chine représentent quand même 57 % de la valeur des produits de la mer américains exportés vers la Chine. « La baisse, qui n’atteint pas 4 %, s’explique par le mouvement de délocalisation de la transformation de ces espèces de la Chine vers d’autres pays d’Asie où les salaires moyens sont moins élevés, explique Stéphane Vrignaud. Avec la mise en place des taxes douanières chinoises, ce mouvement devrait s’accélérer. »

Voilà certainement une des incidences les plus faciles à identifier de cette guerre commerciale, mais ce ne sera pas la seule.Déjà dans l’État du Maine, les négociants de homard sont fragilisés. Selon le Herald Tribune, certains, spécialisés dans le marché chinois, ont dû licencier. D’autres s’organisent en urgence pour trouver de nouveaux débouchés. Avec 25 % de taxes en plus, les exportations de homard américain vers la Chine ont chuté en juillet de 64 % par rapport à mai et juin, selon le cabinet d’analyse Wisertrade. Les départs réguliers, trois à quatre fois par semaine par fret aérien depuis Boston, se sont réduits drastiquement, fragilisant aussi les acteurs de la chaîne logistique.

A priori, selon nos confrères américains, seuls les pêcheurs s’en sortent sans trop de mal. Car si les importateurs chinois ont trouvé avec le homard canadien une alternative aisée, les Canadiens ont importé eux plus des États-Unis, stabilisant ainsi les prix. Qu’en sera-t-il pour les autres espèces ?

« C’est difficile de le prévoir et la situation varie selon les espèces. Bien sûr, on peut avoir l’intuition que les Chinois vont substituer une partie de leurs importations de saumon d’Alaska par du saumon de Norvège, avec qui le pays a renoué de meilleures relations commerciales, admet Stéphane Vrignaud. Pour autant, entre la demande du marché américain, qui peut offrir une porte de sortie, et les possibilités de stockage en attendant des jours meilleurs, il est bien difficile d’imaginer l’évolution des cours. Néanmoins, pour les importateurs européens, il y a probablement des opportunités. »

Pas forcément de quoi rassurer les représentants de la filière des produits de la mer américains, qui non seulement sont perdants avec la remise en cause des différents accords de libre-échange, mais subissent aussi les taxes sur certaines matières premières qu’ils transforment. Pour tenter d’influencer l’administration Trump, la commission commerce du National fisheries institute (NFI) a lancé une campagne de sensibilisation sur les menaces que fait courir sur l’emploi comme sur la santé des Américains la mise en place des taxes douanières. « Une inquiétude légitime, face à des décisions qui vont indubitablement modifier les routes commerciales mondiales, avoue Stéphane Vrignaud. Mais la priorité de l’administration reste de réduire le déficit commercial dans les produits de la mer et de faire en sorte de capter plus de valeur ajoutée dans nos usines. » Une politique à suivre.

Céline ASTRUC

 

[ L’Alaska évite le pire ]

◗ Parce que les colins et cabillauds d’Alaska partent en Chine pour être transformés avant de revenir sur le sol américain, l’industrie des produits de la mer de l’Alaska s’est fortement mobilisée pour faire sortir ces deux espèces de la liste des produits qui seraient surtaxés dans ce troisième round de la guerre commerciale. Ils ont fait valoir l’impact d’une double peine pour le secteur et donc pour l’État. Message entendu cette fois. Mais quid en cas de quatrième round ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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