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Des origines pointues pour se différencier

Les fumeurs artisanaux jouent la carte d’origines plus rares et s’appuient sur une excellente connaissance des matières premières, y compris sauvages. Démonstration chez Maison Barthouil et Le Saumonier.

Chez Maison Barthouil, le procédé de fumage très délicat laisse le terroir de chaque saumon s’exprimer.(Crédit : DR)

 

5 000t
La production annuelle de saumon Loch Duart (Écosse).

4 000
Le (petit) nombre de saumons qui remontent l’estuaire de l’Adour pour se reproduire chaque année.
Une femelle de 5 kilos pond environ
2 000 œufs du kilo.








 

Maison Barthouil fume des saumons à Peyrehorade (Landes) depuis 1929, et choisit pour cela des poissons haut de gamme. « Notre technique de fumage traditionnelle danoise, au bois d’aulne, est subtile et impose une matière première irréprochable », explique Pauline Barthouil, responsable développement de la marque. Tous les saumons arrivent entiers frais, avec un approvisionnement en direct sur toutes les origines. Ils sont filetés et fumés de manière identique, en « suspens ». « Cela permet de valoriser le goût et le terroir de chaque saumon, la fumée ne domine pas. »

Particularité du sauvage, le biotope va déterminer le goût et la couleur du produit fini. Maison Barthouil propose quatre origines de Salmo salar sauvage. Ainsi, le saumon de Norvège sauvage est l’un des seuls saumons à ne pas migrer. Il vit à l’âge adulte en mer de Norvège. Son alimentation à base de krill va lui procurer un goût subtil de crustacé et une couleur rosé clair. « Il est plus fondant et plus gras que celui d’Écosse et d’Adour », précise Pauline Barthouil.

Pêché au printemps, le saumon de la mer Baltique vit dans une mer fermée sans crevettes. Il se nourrit de sprats et de petits harengs, d’où une couleur blanc beige, un goût marin plus marqué, et une texture grasse et fondante.

Les saumons sauvages d’Écosse et d’Adour, au parcours plus « sportif », présentent des similitudes de couleur (orangée), de goût, et un moindre taux de gras. En effet, tous deux naissent en rivière avant de migrer en Mer du Labrador (côte nord du Canada, Groenland), puis de retraverser l’Atlantique pour se reproduire dans la rivière où ils sont nés. « Les grandes origines sont les plus rares, avec des goûts plus fins. L’Adour est le seul saumon sauvage français, et sa rareté en fait en produit hors de prix, un peu plus fondant que le saumon écossais sauvage. » En 2019, l’Écosse a interdit la pêche pour préserver la ressource.

Vraies difficultés liées au sauvage : « Il existe des différences de qualité, et il convient de tenir compte des saisons de pêche, propres à chaque origine. Le saumon d’élevage est plus régulier », note Pauline Barthouil. L’entreprise réalise ainsi ses plus gros volumes avec un saumon norvégien Label rouge, produit par une famille indépendante. « Un produit fabuleux, le top en élevage, meilleur que le Label rouge écossais ! », assure Pauline Barthouil. Élevé 24 mois, fort d’un poids de 7-8 kilos, il présente un taux de gras de 16-17 %, proche du sauvage. Les trois derniers mois, l’aliment contient 66 % de poisson, d’où un goût de poisson plus prononcé. Enfin, Maison Barthouil propose du saumon d’élevage bio écossais. C’est un saumon doux, soyeux, délicat, qui mange beaucoup de céréales bio, donc avec un goût plus discret.

Entre Granville, Bayeux et Dinard, Le Saumonier mise lui aussi sur la qualité, à partir d’une matière première fraîche, fumée doucement, à la ficelle. Spécialité de l’entreprise : la vente en direct (75 % du chiffre d’affaires). « En élevage, nous travaillons le saumon français de Cherbourg lorsqu’il est disponible – soit quelques mois par an –, et le saumon écossais Loch Duart, qui a l’avantage d’offrir une qualité très régulière et d’être disponible toute l’année », indique Rodolphe Belghazi, dirigeant du Saumonier granvillais.

Côté sauvage, l’écossais se rapproche en texture du saumon écossais d’élevage. « Mais les goûts n’ont rien à voir, le sauvage étant moins gras avec une saveur plus prononcée. Il est aussi plus dur à travailler, car non standardisé, avec des différences de qualité et de couleur. » Le suspense reste de mise sur la disponibilité de l’écossais sauvage pour 2020. Les coopératives de pêcheurs seront fixées seulement début juin, en début de saison. Le saumon sauvage irlandais n’est pour sa part plus disponible depuis plusieurs années, faute d’autorisation de pêche. Le Saumonier travaille aussi du saumon sauvage du Pacifique (Oncorhynchus keta), dont la saison de pêche va de juin à août. « Il donne un saumon fumé au très bon goût, mais avec une chair plus pâteuse, et qui se tient moins bien que le saumon Atlantique », constate Rodolphe Belghazi.

Fanny ROUSSELIN-ROUSVOAL

Pour en savoir plus, découvrez notre dossier complet : Saumon : Le jeu des origines