Crevetticulture ❘ La génétique plutôt que les antibios
L’expansion de la crevetticulture mondiale est un fait acquis et les dernières projections de Global Aquaculture Alliance (GAA) confirment la tendance : de 4 millions de tonnes en 2016, la production pourrait grimper à 4,3 millions en 2018. Le conditionnel s’impose néanmoins vu les risques qui pèsent sur les fermes de crevettes tropicales. « Les changements climatiques vont avoir un impact croissant et ils s’ajoutent aux vagues récurrentes de maladies causant des pertes dans les fermes. Du côté de l’offre, le manque de visibilité est flagrant. La demande, en revanche, ne cesse d’augmenter en Asie où les capacités financières pour acheter des crevettes sont considérables », observe Mikele Bartolini, acheteur de crevettes chez LVME Sofrimar. Plus pessimiste que GAA, le panel conduit par Robbins MacIntosh lors de la conférence du National Fisheries Institute estime à 3,5 millions de tonnes la production 2016. Après une reprise des apports liée en grande partie à l’extension des surfaces d’élevage en 2014 et 2015, les pathologies se sont réactivées. L’EHP (1) a pesé sur les croissances en Chine, l’EMS (2) est toujours présente en Amérique centrale ainsi que le white spot en Inde. L’écart d’estimation de 500 000 tonnes tiendrait à la baisse de production indienne et indonésienne, non compensée par les reprises en Thaïlande, en Malaisie ou au Vietnam. Reprise vietnamienne très relative dans la mesure où ce pays a importé des tonnes de crevettes d’Inde et d’Équateur pour les transformer et les réexporter, en particulier en Chine. « Les trois quarts des maladies viennent d’Asie où les densités sont souvent très élevées. En Équateur, la crevetticulture est semi-intensive et les attaques virales sont maintenant mieux maîtrisées. D’autres maladies non virales apparaissent comme l’EHP mais cela nécessite de nouveaux traitements et d’autres méthodes. Oubliez les coûteux antibiotiques, il en faudrait des kilos ! L’avenir est dans la sélection génétique de crevettes résistantes et à croissance rapide. Les groupes crevettiers équatoriens ont bien avancé sur ce terrain avec la vannamei. Ce que n’ont pas fait les Asiatiques avec la monodon. L’Équateur devient une référence zootechnique et sanitaire », observe Hervé Lucien-Brun, consultant spécialisé en crevetticulture. Les faits sont là. La vannamei pousse plus vite et elle pèse plus de 75 % de la production crevetticole, alors que la part de la monodon continue de régresser. Il est toutefois possible d’élever la vannamei plus longtemps pour arriver à des calibres 16-20 au kilo. « Dans ces tailles-là, les prix des deux espèces se rejoignent, estime Mikele Bartolini spécialisé dans l’achat de monodon. Nous trouvons de la belle monodon en Indonésie. Le Bangladesh fait encore 100 % de queues de monodon et il y a encore de bonnes sources au Vietnam. » Si l’Asie reste en position dominante avec 70 % des crevettes élevées dans le monde, ses perspectives de croissance sont faibles, voire nulles, excepté en Inde et au Bangladesh. De son côté, l’Amérique latine, qui fournit en masse le marché européen avec l’Inde, dispose de marges de progrès. L’Équateur, déjà largement en tête, pourrait atteindre 400 000 tonnes en 2018, estime GAA. L’évolution de l’offre tend vers une baisse des tailles des crevettes d’élevage : 63 % dépassent les 40 pièces/kg en Asie, cette proportion est de 51 % en Amérique. Concernant les présentations, les crevettes crues, avec ou sans tête et carapace, dominent (69 %) devant les crevettes cuites (16 %) ou panées (7 %). Bruno VAUDOUR 1) Eterecytozoon hepatopenaei |
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