Hors norme, compliquée, tendue : voici comment les acheteurs de crevettes tropicales décrivent la situation actuelle. Une demande à la hausse et des produits indisponibles ont fait monter les cours mondiaux. L’année 2021 a révélé les fragilités de ce marché mondialisé mais aussi l’impuissance des Européens.

Dire que la crevette tropicale est un produit universel n’est pas un vain mot. Issue majoritairement de l’élevage, elle fait partie des espèces les plus produites, commercialisées et consommées dans le monde, arrivant à la deuxième place derrière le saumon sur le marché international des produits de la mer. Mais aujourd’hui, rien ne va plus. Alors que le marché mondial ronronnait, le Covid est venu bouleverser les cartes.

« Depuis une dizaine d’années, le cours de la crevette tropicale est lié au marché intérieur chinois. Ce sont désormais les principaux acheteurs, ce qui prive les Européens de leur force de négociation », explique Gwenaelle Le Dantec, PDG de SI2A, société spécialisée dans l’importation et la commercialisation de crevettes tropicales. Lorsque la crise du Covid a démarré en mars 2020, les Chinois ont stoppé net leurs achats et le prix s’est effondré jusqu’en décembre. Aujourd’hui, la situation est radicalement différente. La demande est repartie à la hausse, mais cette fois c’est l’offre qui ne suit pas.

Les causes sont multiples selon les acheteurs. Situations Covid ponctuelles dans certaines exploitations, comme en Inde ou au Vietnam qui ont limité leur production cette année, blocage de containers dans les ports chinois, mais aussi une explosion des coûts du fret maritime mondial et une forte désorganisation.

« Avec la reprise, les circuits Est-Ouest ont eu un besoin de bateaux plus important. À Madagascar, certaines compagnies ne passent plus depuis des mois, privilégiant les destinations plus rentables comme la Chine. Le prix des containers a été multiplié parfois par dix sans pouvoir garantir un transport à la date voulue. Cette spéculation est accentuée par le manque de concurrence sur ce marché composé de trois ou quatre compagnies », analyse Stéphane Jackiw, directeur du pôle distribution d’Unima. 

Les importations
européennes de
Penaeus congelées
provenaient à
31%
de l’Équateur
en 2019

Aurélie CHEYSSIAL

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