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Brexit : l’accord et le plan de soutien évitent le pire

Chalutiers hauturiers à Peterhead (photo : Lionel Flageul).

 

OUF ! Le no-deal n’a pas eu lieu. Reste à gérer au mieux les démarches en douane, la compensation des pertes et la négociation pour la pêche à l’issue d’une transition de cinq ans et demi. Un plan de soutien est déjà sur la table, incluant le mareyage.

L’accord du côté pêche…

Jusqu’au bout, la pêche a été l’arrête coinçant le Brexit, comme le prédisaient les pêcheurs français il y a quatre ans. L’accord arraché in extremis le 24 décembre prévoit, côté pêche, que les eaux britanniques restent ouvertes aux pêcheurs européens, et vice-versa, dans le cadre d’un régime d’autorisations, mis en place en concertation avec les pêcheurs. Ainsi, pour la ZEE britannique, le Royaume-Uni a délivré le 31 décembre 1 500 licences provisoires, destinées à être transformées en licences définitives, aux navires européens. Et l’accès aux 6-12 milles et aux îles anglo-normandes, interrompu le 1er janvier, devrait être vite rétabli, sur licence, selon des conditions d’antériorité.

Les quotas des pêcheurs européens dans les eaux britanniques, loin de la chute redoutée, doivent baisser progressivement de 25 % d’ici le 1er juin 2026. C’est plus que les 15 % défendus par le négociateur européen Michel Barnier, mais loin des 60 % prônés par Boris Johnson. Et la pêche d’espèces hors quotas reste autorisée (encornet, saint-pierre…). Les quotas 2021 des stocks partagés, laissés de côté lors des négociations de décembre en Conseil des ministres européen, peuvent désormais être discutés. Mais une nouvelle négociation est à ouvrir pour la suite à partir de l’été 2026, avec vraisemblablement des quotas sous contrôle britannique et des négociations annuelles. Et sans les moyens de pression sur les autres dossiers, mais juste quelques garde-fous. L’UE pourra ainsi prendre des mesures de rétorsion en cas de limitation forte de l’accès aux captures. En espérant, soulignent les pêcheurs, comme des députés et des ONG, que la durabilité sera réellement prise en compte pour éviter une surpêche.

… et du côté des échanges commerciaux

Côté négoce, la continuité des échanges commerciaux entre la France et le Royaume-Uni est assurée, sans droits de douanes, et dans le respect de conditions de concurrence équitables : le Royaume-Uni doit observer les standards sociaux et environnementaux en vigueur dans l’UE. Les négociants doivent cependant recourir à un transitaire (représentant en douane enregistré, RDE), pour leurs formalités, un rôle notamment joué par certains transporteurs. Des ralentissements à la frontière sont à craindre, et sont d’ailleurs déjà observés.

Un plan de soutien global

Des aides accompagneront les pêcheurs et les mareyeurs dépendants des captures dans les eaux britanniques : une aide forfaitaire à la trésorerie jusqu’à 30 000 euros ; des arrêts temporaires indemnisés à 30 % du chiffre d’affaires de référence ; et des indemnités de compensation d’une partie des pertes sur le 1er trimestre. Ainsi qu’à plus long terme, l’extension de l’activité partielle de longue durée pour les salariés, un plan de sortie de flotte pour les navires volontaires, une aide à la restructuration, la mobilisation du Fonds national de l’emploi pour des reconversions, et enfin des aides à l’investissement via le futur Feamp et le plan de relance. Les entreprises les plus touchées par le Brexit devraient être accompagnées spécifiquement dès ce mois de janvier, promet le gouvernement.

Le soulagement domine

L’accord est « une bonne nouvelle pour nos pêcheurs, estime Annick Girardin, ministre de la mer. Ils n’ont pas été la variable d’ajustement. » « Beaucoup de choses restent à discuter avec les Britanniques, mais l’Europe est sortie par le haut d’une décision qu’elle n’a pas voulu », souligne le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, en visite le 4 janvier sur le port de Keroman. Où l’armement Scapêche opère depuis l’Irlande en attendant que la situation se régularise en Écosse.

Tout le monde s’accorde en effet à admettre que la filière a été bien défendue par les représentants politiques, et les réactions à l’accord comme au plan de soutien sont plutôt positives. « Dans toute ma carrière, je n’ai jamais vu un tel engagement de la part du gouvernement », remercie Olivier Leprêtre, président du comité des pêches des Hauts-de-France, lors d’une visite ministérielle le 1er janvier, même si les navires évitent les 6-12 milles dans les eaux anglaises pour le moment. L’Union du mareyage français (UMF), soulagée, se félicite de « la préservation globale des intérêts de ses adhérents dans ce cadre ». Elle salue le soutien impliquant clairement le mareyage et appelle à « la mise en œuvre rapide » du plan. Et rappelle que « d’immenses défis attendent le mareyage et l’ensemble de la filière pêche » : baisse des apports en criée française, évolution des relations commerciales en Europe… « La mutation du mareyage est amenée à s’accélérer, et les opérateurs appelés à s’adapter. »

L’accord de 1 246 pages publié le samedi 26 décembre a reçu l’accord provisoire des 27 membres de l’UE dès le lundi 28 décembre, pour une application jusqu’au 28 février. D’ici là, il doit être traduit et ratifié par le Parlement européen.

Solène LE ROUX