Revenir

Azura relance la palourde européenne

Crédit : Fanny-Rousselin-Rousvoal

 

20 M€ ont été investis dans une filière intégrée unique au monde de « Ruditapes decussatus » au Maroc. Azura Atlantic vise 600 à 900 tonnes annuelles de ce produit premium, très charnu.

 

« Goûtez ! » Sur le stand Azura Atlantic, lors du dernier Sirha, c’est avec un ton assuré et un regard plein de fierté que l’on proposait de déguster le dernier lancement du groupe franco-marocain. Dans l’assiette, une palourde rare et premium, particulièrement charnue et savoureuse : la Ruditapes decussatus, ou palourde européenne. Ce coquillage revient de loin. Pas moins de cinq ans de travail et 20 millions d’euros d’investissements auront été nécessaires à Azura, connu surtout pour ses tomates, afin de relancer la « vraie » palourde.

« Pour revenir au produit originel, nous avons dû monter toute une filière avant commercialisation : alimentation, naissain, remise dans l’estran », explique Nicolas Calo, responsable marketing & communication d’Azura Atlantic. Cette filière totalement intégrée, unique au monde, a vu le jour dans une zone préservée : la baie de Dakhla, au sud du Maroc. Impossible en effet d’envisager un tel projet en France.

Flash-back : dans les années 70, la Ruditapes philippinarum (palourde japonaise) est introduite en Europe à des fins de vénériculture. Plus facile à reproduire, plus rapide à élever, plus résistante aux maladies, s’enfonçant moins donc plus facile à pêcher, elle s’avère rapidement invasive. Celle qui était initialement surnommée « fausse palourde » déloge la « vraie ».

Résultat : il n’y a plus de palourde européenne en France et la Ruditapes decussatus est devenue rarissime en Italie et en Espagne. Aujourd’hui, elle n’est plus présente que dans six pays au monde. Faire le pari de développer la vénériculture de R. decussatus s’est vite avéré un casse-tête. « Nous étions les premiers au monde et ne disposions d’aucune littérature scientifique sur le sujet. Pendant plusieurs mois, rien ne marchait ! », relate Frantz Ser, responsable commercial.

En 2016, Azura parvient toutefois à développer la première écloserie au monde. Les algues planctoniques nécessaires à l’alimentation des larves sont produites dans un photobioréacteur (PBR) de 400 mètres carrés. Quelques mois plus tard, au stade T4 ou T6, les « bébés » palourdes sont aptes à s’ensevelir, donc à se mettre à l’abri des marées et des pré- dateurs (oiseaux et surtout daurades). Elles sont alors ensemencées en ligne dans des parcs de 1,50 mètre de large sur 300 mètres de long, protégés d’un filet. Les palourdes passent ainsi 24 à 27 mois en milieu naturel. La récolte s’opère soit à la main, soit avec une récolteuse adaptée.

La baie de Dakhla présente les caractéristiques idéales pour la palourde : vent, air entre 20 et 30 °C, eau entre 17 et 26 °C. « C’est un cadre idyllique, qui donne l’impression de revenir dans les années 70 », explique avec enthousiasme Olivier Boniface, chef du restaurant La 7e vague à Perpignan et expert des coquillages en France et à l’étranger depuis plusieurs décennies. À ce titre, il a accompagné Azura en tant que consultant dès les prémices du projet. « Azura Atlantic veille à avoir un minimum d’impact environnemental et à préserver le milieu, en tirant les leçons des productions ostréicoles », ajoute le spécialiste. Azura Atlantic emploie aujourd’hui 200 personnes. L’objectif est de produire 600 à 900 tonnes par an, pour trois marchés prioritaires : l’Espagne, l’Italie et bien sûr la France. Dans un premier temps, les principaux canaux de distribution visés sont les restaurants et les poissonneries premium. « Le produit s’adresse à de vrais artisans, des vendeurs passionnés », explique Nicolas Calo, conscient qu’il faudra faire preuve de « beaucoup de pédagogie ».

Le chef espagnol le plus étoilé, Martin Berasategui, a déjà adopté le produit. À défaut de pouvoir jouer la carte locale, le produit met en avant la notion de circuit court, du producteur au consommateur. Côté prix, il faut compter environ 35 euros le kilo, contre 20 à 25 euros pour la palourde japonaise. Le prix à payer pour un produit d’exception.

 

[Un produit unique]


>Une écloserie très technique
Les palourdes restent en écloserie jusqu’au stade T4 ou T6, nourries par des microalgues produites dans un photobioréacteur de 400 m².


>Européenne vs japonaise : le jeu des 7 différences
La palourde européenne (Ruditapes decussatus) se distingue à plusieurs titres de la
palourde japonaise (
Ruditapes philippinarum) :


Coquille : plus fine et plus allongée.
Corps mou : plus charnu (30 % de chair en plus).
70-75 pièces au kilo, vs 40/kg
pour une japonaise de même taille.
Siphons : séparés, alors qu’ils sont collés à la base dans une palourde japonaise
R. philippinarum.
Goût : plus typé.
Élevage : reproduction plus difficile, temps d’élevage plus long (30 mois).
Enfouissement : plus profond.

 

Fanny ROUSSELJN-ROUSVOAL

Articles associés :

Voir plus d'articles liés