ANALYSE ADN : L’ARME ANTI-FRAUDE ?
À l’heure où les auto-contrôles se renforcent face aux risques de fraudes à la source, l’analyse de l’ADN permet de déterminer les espèces de poisson utilisées dans l’industrie halieutique.
Transporteur de l'information génétique, l’ADN est présent dans tous les organismes vivants. Il comprend des marqueurs uniques qui, tel un code-barres, peuvent être utilisés pour différencier les espèces de poissons, coquillages et crustacés. Y compris dans des produits transformés sous réserve que l’ADN ne soit pas dégradé par un process trop agressif, notamment lors de la stérilisation de produits en conserve. La réaction de polymérase en chaîne (PCR) permet l’identification sur la base de segments d’ADN spécifiques. « Les risques de substitution d’une espèce de poisson par une autre moins coûteuse, sont une réalité qui rend de plus en plus souvent nécessaire l’identification par l’ADN » constate Aurélien Coquillon, analyste chez Eurofins. Le groupe spécialisé dans l’analyse et le contrôle en agroalimentaire travaille avec le laboratoire de Medigenomix en Allemagne qui produit le test. Selon Eurofins, les banques de données comprennent les références d'un grand nombre d'espèces de produits de la mer, y compris des œufs de poisson tels que le caviar.
Des progrès nécessaires
« Le recours aux tests ADN est en augmentation depuis les fraudes identifiées sur la viande de cheval, confirme Jean Quinet, secrétaire général du syndicat national du commerce extérieur (SNCE), mais ces contrôles faisaient déjà partie des plans HACCP. »
Souvent performante, la PCR ne résout pas tout. Des recherches sont en cours pour améliorer l’efficacité de l’analyse de l’ADN, en particulier sur des plats de poisson en sauce, les conserves ou sur des blocs de filets surgelés intégrant plusieurs espèces. Autre limite, le coût d’une PCR est élevé. « Entre 300 et 500 €, tout dépend de la nature du produit. S’il s’agit d’identifier une espèce à partir d’un muscle, c’est relativement simple par séquençage et donc moins coûteux. Tandis qu’avec une rillette de poisson ou une brandade, il y a un mélange d’informations qui nécessite une étape d’amplification de tous les ADN de poisson et c’est plus coûteux », explique Gilbert Skorski, responsable du laboratoire d’analyses Phylogène.
L'électrophorèse a fait ses preuves
De son côté, Bruno Le Fur, ingénieur sur la plateforme Nouvelles vagues souligne encore l’intérêt de l’électrophorèse pour identifier efficacement, et à moindre frais, un poisson surgelé nature ou cru. Davigel, qui utilise dans son propre laboratoire, la technique de l’iso-électrofocalisation, garantit ainsi que l’espèce achetée correspond au cahier des charges imposé à son fournisseur. « Quand nous achetons des filets de poisson, parfois même sans peau, c’est le seul moyen de clairement identifier l’espèce, le coût de l’analyse, en routine, étant acceptable », précise Xavier Guyomard, responsable communication de Davigel. « À ce jour, les analyses par ADN, en ce qui concerne les espèces de poissons, sont rarement utilisées pour des raisons de coût analytique mais également du fait de l’absence de répertoire ADN recensant l’ensemble des espèces ».
En ce sens, l’électrophorèse profite de ses antécédents. Depuis 1985, l’Ifremer a établi un catalogue des gels électrophorétiques permettant d’identifier les différentes espèces en collaboration avec le laboratoire des fraudes de Marseille et celui de Davigel. La mise à jour de ce catalogue s’effectue encore aujourd’hui avec le laboratoire Nouvelles Vagues de Boulogne.
B.VAUDOUR
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